1Comment la Martinique peut-elle valoriser ses produits biologiques sur le marché local ou à l’exportation ? En fonction de la taille et des caractéristiques de ces marchés, quelles sont les orientations de développement souhaitables pour la production agricole biologique en Martinique ? 2Nous avons examiné au chapitre premier le contexte général du marché des produits biologiques dans lequel les producteurs bio martiniquais doivent se positionner. 3Le marché local martiniquais est le débouché à la fois le plus proche et aisé à atteindre pour les producteurs. C’est le premier à exploiter dans une perspective de développement territorial Vendre des produits alimentaires martiniquais de qualité comme les produits Bio contribue en effet à reconstituer un lien entre agriculture et alimentation sur l’île, et à valoriser l’image de l’agriculture auprès de ses habitants comme des touristes. 4Les produits de l’agriculture biologique certifiés AB peuvent y trouver leur place dans les circuits courts ou longs grandes et moyennes surfaces..., et les producteurs peuvent également développer d’autres formes de certification, notamment la certification par groupes », soutenue par l’Ifoam voir chapitre premier. 5Ces formes de certification nécessitent également de la rigueur et de la transparence, ainsi qu’un engagement fort des producteurs, mais elles reposent sur des ressorts différents, notamment le lien direct avec les consommateurs pour la certification participative. Sur d’autres bases, elles assurent aussi le consommateur du caractère biologique » du produit, mais ne permettent pas en France d’utiliser le logo AB ou le logo européen. 6À l’exportation, seuls les produits certifiés par un organisme certificateur agréé par le pays importateur peuvent trouver des débouchés. Le contexte de croissance soutenue du marché des produits d’AB certifiée depuis plus de dix ans, que tous les auteurs s’accordent à considérer comme stable et dépassant l’effet de mode, est un atout certain. Pour la Martinique, cet atout doit être relativisé pour deux raisons Les coûts de main-d’œuvre sont plus élevés en Martinique que dans les pays aux caractéristiques climatiques comparables produisant les mêmes produits. Le développement des marchés dans les pays développés connaît des périodes de ralentissement, de fluctuations sur certains produits. Ces fluctuations se traduisent par des variations de prix aux producteurs à la baisse voir chapitre premier. Celles-ci sont d’autant plus préjudiciables aux producteurs que leur système de production agrobiologique n’est pas encore bien établi dans les premières années suivant la conversion voir chapitres 4 et 5. 7Le développement de l’agriculture biologique s’apparente aux différentes démarches de diversification agricole entreprises ces trente dernières années en Martinique. Les enseignements de ces expériences, capitalisées par la recherche, peuvent éclairer les voies pour le développement de la production biologique à l’exportation 8S’agissant des deux grandes productions de la Martinique, nous examinons les opportunités de marché pour la banane Bio à l’exportation et pour le sucre Bio 9Enfin, une analyse de l’image de la Martinique au travers des étiquettes de produits alimentaires permet d’apprécier les éléments de cohérence entre cette image développée autour du tourisme et le concept de produits biologiques. 10L’ensemble de ces contributions autorise à tirer quelques conclusions sur les possibilités de marché pour les produits biologiques à la Martinique. Reconquête des marchés par les produits locaux la place des produits biologiques1 1 Rédacteurs Martine François, Christian Langlais et Bertil Sylvander. 11Pour le producteur, produire de façon biologique ne suffit pas. Pour que la production Bio se développe, encore faut-il qu’il soit en mesure de commercialiser ses produits à un prix rémunérateur par rapport à ses conditions de production. 12Le développement de la production biologique en Martinique doit être conçu en relation avec celui des marchés pour les produits, et des filières de commercialisation. 13Pour cela, il est tout d’abord nécessaire de situer les produits biologiques dans leur univers concurrentiel. Les produits biologiques sont intégrés dans un univers de produits » répondant à des attentes nouvelles des consommateurs, liées au désir d’une alimentation saine, de la protection de l’environnement, de relocalisation ou reterritorialisation » de l’alimentation, et d’équité sociale. Mais d’autres types de produits, les produits fermiers », produits du pays », produits vendus directement par les agriculteurs, produits d’agriculture raisonnée, peuvent aussi y répondre, au moins en partie. Pour les décideurs, répondre à ces attentes des consommateurs signifie développer, en synergie, les différentes formes afférentes d’agriculture, parmi lesquelles l’agriculture biologique. 14En ce qui concerne le secteur des produits biologiques, on examine donc d’abord leur position concurrentielle. Cela permet de définir les créneaux/ cibles de marché où les produits biologiques sont le plus susceptibles d’avoir un avantage comparatif. 15Le marché local peut être le premier débouché de la production locale biologique sa taille demeure réduite, mais il est facilement accessible aux producteurs locaux, y compris aux petits producteurs individuels. 16La question à résoudre ensuite est relative au potentiel de ce marché local pour la production biologique martiniquaise. Qui sont les consommateurs ? Comment les produits biologiques se positionnent par rapport à d’autres produits alimentaires substituables ? Quels sont les produits susceptibles d’être développés ? Par quelles filières de commercialisation ? Avec quelle promotion pour les produits ? 17Dans ce contexte, quelle forme de certification doit donc être développée pour les produits biologiques ? On examinera en particulier deux formes de certification en premier lieu, la certification officielle au sens du règlement européen, par un organisme certificateur agréé, ouvrant les portes de l’exportation aux produits, et en second lieu la certification participative », forme de certification rigoureuse basée sur une organisation au niveau du territoire et un contrôle social par les différents acteurs des filières producteurs, transformateurs, consommateurs. 18Enfin, nous dresserons des perspectives par produit. Nouvelles attentes des consommateurs » la place des produits biologiques 19Les produits biologiques s’intègrent dans un univers de produits alimentaires, répondant à de nouvelles attentes » des consommateurs. Pour répondre à ces nouvelles attentes », ils peuvent faire appel à plusieurs catégories de produits de qualité spécifique, plus ou moins substituables entre eux. 20En Europe, en France, dans les pays développés, dans les capitales des pays en développement, les tendances lourdes d’évolution de l’alimentation vont vers une industrialisation de l’alimentation, une diminution de la part du revenu consacré à l’alimentation, une part croissante des achats effectués en grande et moyenne surface, et une diminution du temps consacré à la cuisine et à la préparation des repas Poulain, 2002a ; Monceau et al., 2002. On constate aussi, sur une partie des consommateurs, dans certaines occasions, pour certains produits, un faisceau de nouvelles attentes » qui peuvent aller à l’encontre de ces tendances lourdes, mais qui concernent des parts de marché réduites niches de marché. 21L’attention croissante portée à la santé Monceau et al., 2002 ; Lahlou, 1998 ; Poulain, 2002b, à l’environnement, à la gastronomie, peut se traduire en France à la fois par l’achat d’alicaments, de produits santé forme », de produits de terroir, de produits de qualité supérieure », de produits biologiques, de produits diététiques. Ces tendances ne concernent pas forcément les mêmes consommateurs ni les mêmes segments de marché, mais certains de ces produits sont partiellement substituables entre eux. 22Plusieurs courants apparaissent aussi, tendant à favoriser un lien entre consommation alimentaire et développement agricole durable. Tant les idées relatives à la consommation citoyenne » Alternatives économiques, 2003 que les produits du commerce équitable » se diffusent également en Europe et aux États-Unis Price Waterhouse, 2002. Les parts de marché des produits correspondants sont encore modestes, mais leur croissance se poursuit depuis plusieurs années, et dans tous les pays, qu’ils soient développés ou en voie de développement. 23Les produits biologiques sont au confluent de ces nouvelles tendances, car ils répondent, au moins en partie, à toutes ces nouvelles attentes ». Il faut voir là un des facteurs du développement rapide des marchés des produits biologiques ces dernières années. 1 12 % des Français achètent des produits fermiers pendant les vacances contre moins de 5 % au ... 24Cette propension à consommer ces produits peut concerner soit une grande variété de catégories socioprofessionnelles, dans le cadre de repas festifs ou de vacances cas des produits fermiers1 François et al., 1995, ou la consommation de quelques produits, en permanence cas des produits biologiques en France, ou des produits du commerce équitable, ou encore une consommation régulière, pour certaines catégories de consommateurs. Les parts de marché de ces produits restent modestes, même si leur consommation occasionnelle est très répandue dans la population française. Tableau Attentes des consommateurs Une alimentation saine pour améliorer ou préserver sa santé 25Tous les sondages et études réalisés en France depuis dix ans montrent que le facteur santé » est important pour le consommateur de produits biologiques Le Floch-Wadel et Sylvander, 2000 ; Sylvander, 2000 ; CREDOC, 2001 ; CSA pour Agence Bio 2003. En 2003, 90 % des consommateurs de produits biologiques déclarent que préserver leur santé » est une raison de consommer des produits biologiques CSA pour Agence Bio, 2003. 26Si les consommateurs recherchent les produits biologiques essentiellement pour leur caractère sain et naturel, il est nécessaire de rappeler que le cahier des charges européen de l’agriculture biologique suppose une obligation de moyens, mais non une obligation de résultats pour le producteur. Le fait de ne pas utiliser d’engrais chimiques ni de produits phytosanitaires de synthèse n’assure pas que les produits en soient exempts, en particulier du fait de pollutions. Il y a donc un décalage potentiel entre ce que les consommateurs attendent du produit biologique dans cette perspective, et la réalité de ce qu’offre le produit. Des recherches sont en cours pour évaluer dans quelle mesure le consommateur est susceptible de comprendre ces nuances. 27Les travaux de recherche portant sur les différences entre produits biologiques et produits de différents systèmes d’agriculture conventionnelle sont peu nombreux, et le sujet en lui-même comporte une difficulté méthodologique importante, du fait de la diversité des systèmes de production, en agriculture conventionnelle comme en agriculture biologique. 28L’expertise réalisée par l’AFSAA en 2003 conclut d’abord à une faiblesse du nombre des études réalisées et à leur disparité AFSAA, 2003. 29Les produits d’agriculture biologique peuvent présenter des avantages nutritionnels teneur en vitamine C pour les pommes de terre, minéraux, vitamines et fibres pour les céréales, fer et magnésium pour les légumes, polyphénols pour les légumes et les vins, différences de profil en acides gras pour les viandes, mais ils demeurent faibles. 30Il en est de même en matière de qualité sanitaire. Certains produits d’AB présenteraient un risque théorique en mycotoxines pommes, contrebalancé par la fraîcheur des produits. Les taux de résidus en pesticides sont inférieurs pour les produits d’AB mais certains produits autorisés en AB produits naturels complexes nécessitent une homologation, de même que certains produits vétérinaires autorisés en AB requièrent une évaluation toxicologique. La teneur des produits en nitrates et le risque d’ESB sont plus faibles pour les produits d’agriculture biologique. 31Si la consommation de produits biologiques se traduit par un lien entre alimentation et santé dû aux caractéristiques propres des produits, celui-ci est faible selon l’expertise de l’AFSSA car la différence qualitative sur les produits demeure minime au regard de la ration alimentaire. 32Cependant, le fait de consommer des produits biologiques peut s’accompagner chez les consommateurs d’une modification du régime et des habitudes alimentaires, qui pourrait avoir une influence sur la santé. Certains résultats de recherche tendraient à le montrer, mais les scientifiques ne s’accordent pas sur leur portée. De son côté, l’expertise de l’AFSAA signale l’intérêt de cette question mais constate que les études épidémiologiques font défaut pour conclure. Une alimentation liée au terroir, au territoire, à l’identité alimentaire 33Dans ses principes voir chapitre premier, l’agriculture biologique recherche une cohérence entre le micro-territoire de l’exploitation, et plus largement son terroir, et les productions. Cela peut se traduire par l’utilisation de races locales pour les animaux cochon créole, mouton martinik, bœuf… dans le cas de la Martinique, le développement de cultures liées au terroir pour les productions végétales dachine, chou chinois, christophine, etc., voire l’utilisation de variétés anciennes. La nécessité de cultiver des variétés résistantes aux maladies amène à utiliser des variétés rustiques adaptées au terroir ; enfin, la diversité est nécessaire dans les cultures pour tenir compte des rotations incontournables en agriculture biologique. Dans le cas de la Martinique, cela ne peut manquer d’évoquer la diversité des cultures en jardin créole et leur lien avec le patrimoine culinaire antillais voir chapitre Ces facteurs impliquent une rencontre entre les consommateurs à la recherche de leurs racines alimentaires » et les producteurs en agriculture biologique. 34Toutefois, pour répondre à ces mêmes attentes, d’autres catégories de produits peuvent aussi être prises en compte. 35Ainsi en est-il du produit fermier » qui désigne un produit élaboré par l’agriculteur sur son exploitation, transformé sous sa responsabilité, avec des ingrédients issus de l’exploitation. Aujourd’hui, il n’y a pas de définition officielle de cette dénomination, même si elle est prévue par la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999. Seuls quelques secteurs de production peuvent utiliser le terme fermier » selon des conditions précisées par des lois différentes en fonction des produits Moinet, 2002. 36Dans le secteur des fromages, l’étiquetage peut comporter le terme fermier » si le fromage est fabriqué selon des techniques traditionnelles par un agriculteur ne transformant que le lait de sa production décret 88-1206 du 37Dans le secteur des volailles, seules celles qui bénéficient d’un label rouge, d’une AOC, d’une certification de conformité ou de la mention agriculture biologique » peuvent être qualifiées de fermières » quand leur élevage respecte des conditions techniques contrôlées selon le règlement CEE 1906/90 du et 1534/91 du Ces exigences ne s’appliquent pas dans le cadre de la vente directe au consommateur final. 38Le qualificatif fermier n’implique pas obligatoirement une qualité supérieure, même s’il le laisse supposer. Il n’implique pas davantage un mode de commercialisation. Le produit fermier est souvent vendu par l’agriculteur, mais il peut tout aussi bien être vendu dans un restaurant, par correspondance ou en grande surface. 39Les produits fermiers représentaient en 1989 3,3 % du budget alimentaire des ménages français Sylvander, 1989, soit un marché de 13 milliards de francs. En 1994, les mêmes auteurs estiment ce marché à 19 milliards. La croissance de ce marché est réelle. Par ailleurs, les études montrent que les Français, comparativement aux autres Européens, sont très demandeurs de produits fermiers » pendant leurs vacances Sylvander, 1989. La question de la quantification de la part de la vente directe et de la transformation à la ferme a été intégrée au dernier recensement agricole. 2 DAF communication dans le cadre de l’expertise collégiale. 40En Martinique, 105 exploitations déclarent transformer les produits de la ferme pour la vente viandes, confitures, liqueurs, etc. Agreste Martinique, 2002. Il est probable que l’ensemble des producteurs ayant recours à ces formes de vente ne les déclare pas, car certains d’entre eux opèrent de façon informelle. En particulier, 30 à 40 % des abattages ne seraient pas effectués en abattoir2, des structures d’abattage faisant défaut. En outre, 5073 exploitations en Martinique déclarent vendre directement des produits agricoles Agreste Martinique, 2002. 41Pour répondre à ces attentes, émanant tant des touristes à la recherche de souvenirs savoureux de leurs vacances que de la population de l’île, la Martinique peut chercher à encourager les producteurs fermiers. 42Dans cet esprit, il faut savoir que les produits d’appellation d’origine contrôlée désignent ceux dont les caractéristiques sont liées à leur terroir d’origine. 113 000 exploitations agricoles concernées en France métropolitaine trouvent ainsi une meilleure valorisation de leur produit agricole Lagrange et Trognon, 1997. Le secteur des Appellations d’Origine Protégée AOP dans le secteur laitier vaut 2 millions d’euros en 2000, les fromages en AOP commençant à toucher des consommateurs européens en dehors de France Europe du Nord. Les autres produits produits végétaux comme la lentille du Berry, huile d’olive de Nyons... représentent 0,15 million d’euros. Le secteur leader, pionnier en matière d’appellations d’origine, est celui des vins et spiritueux. La Martinique est déjà présente sur ce secteur avec la reconnaissance en appellation d’origine du rhum de la Martinique. 43Ces marchés sont eux aussi en croissance, laquelle peut être attribuée à la fois à l’engouement croissant des consommateurs pour ce type de produits, mais aussi à l’augmentation du nombre des produits qui demandent et obtiennent leur reconnaissance en appellation d’origine. L’utilisation de ces signes de qualité peut avoir une influence déterminante sur le développement agricole d’une région, particulièrement dans le cas de régions agricoles défavorisées Ricard, 1994. La reconnaissance de la spécificité des produits liés à leur terroir » est reconnue par la France, dans le cadre de l’Union européenne règlement 2082/91, et dans celui de l’OMC accords ADPIC. 44La Martinique peut aussi faire en sorte que certains produits porteurs de l’identité créole soient reconnus en appellation d’origine protégée. 45De façon plus générale, la Martinique est riche d’un patrimoine gastronomique et culinaire tout à fait particulier, porteur de l’identité créole CNAC, pour Conseil des arts culinaires, 1997. Tant pour les ménages antillais qui cherchent une alimentation reflétant leur terroir que pour les touristes qui sont à la recherche des spécialités typiques du pays », mais aussi pour la population émigrée, conservant au moins en partie même en émigration ses habitudes alimentaires antillaises Garrabuau-Moussaoui et al., 2002, ce patrimoine culinaire peut participer d’une relocalisation de l’alimentation ». 46Le patrimoine gastronomique repose sur une série d’ingrédients particuliers, dont certains peuvent être produits localement, et font partie des jardins créoles traditionnels giraumon, christophine, dachine…. Aujourd’hui, ces ingrédients sont produits localement, mais pas seulement dans les jardins créoles. Cependant, l’importation d’autres pays c’est le cas de l’igname provenant du Costa Rica ou du Loiret peut également répondre à cette demande, sauf si un label particulier produit de la Martinique » est développé. Ces produits rencontrent les attentes qualitatives » des consommateurs locaux soucieux de se rapprocher de leurs racines alimentaires », mais également celles des touristes, tout à la découverte du patrimoine gastronomique local. Contribuer à la préservation de l’environnement par ses achats alimentaires 47Dans leur ensemble, les études menées en France Sondages Louis-Harris, 1998 ; Taylor Nelson Sofres, 1999 ; TMO, 1997 ; CREDOC, 1999 ; IFEN-INSEE, 1998 ; CSA pour printemps bio, 2001, 2002, 2003 s’accordent pour considérer que la préservation de l’environnement n’est pas la principale raison qui conduit les consommateurs français à acheter des produits biologiques. Seuls environ 10 % des consommateurs de produits biologiques citent la préservation de l’environnement comme étant la première raison d’acheter ces produits. Pour les autres, les deux principales raisons qui interviennent sont le goût et la santé. Cela ne signifie pas que l’environnement est absent des préoccupations des consommateurs de produits biologiques, mais que ce n’est pas leur première raison d’achat. C’est là une différence importante entre les consommateurs français et les autres consommateurs européens, chez lesquels les préoccupations d’environnement sont beaucoup plus présentes dans leurs achats de produits biologiques. Les produits biologiques, les produits de l’agriculture raisonnée, mais aussi les produits fermiers aménagement du territoire, paysages, races locales…, peuvent répondre à cette attente d’environnement de la part des consommateurs. Contribuer à la création d’équité sociale 48L’équité sociale, par le biais de rapports commerciaux équitables entre producteurs agricoles et consommateurs, est prévue dans les principes de l’agriculture biologique tels que définis par l’Ifoam Ifoam, 2000. Il est mentionné que l’agriculture biologique doit permettre à chaque individu impliqué dans la production et la transformation des produits biologiques une qualité de vie qui correspond à ses besoins fondamentaux et qui permet d’obtenir un revenu suffisant et une satisfaction de son travail, y compris des conditions saines de travail, en tendant vers une filière de production, de préparation et de distribution qui soit à la fois socialement juste et écologiquement responsable. 49Ces principes généraux, qui ne se prêtent pas à l’organisation de contrôles mais relèvent de l’éthique du comportement du producteur comme du consommateur, ne sont pas repris dans les règlements européens et français qui définissent l’agriculture biologique. 3 50Pourtant, certains consommateurs, notamment les consommateurs militants », accordent une importance primordiale à ce facteur qui est à l’origine de leurs achats de produits biologiques. La chaîne Biocoop a développé son concept de distribution de produits biologiques autour de cette notion de partenariat entre consommateurs et producteurs, et de respect de l’éthique commerciale, et le décline, en termes de marketing, par un logo ensemble pour plus de sens », et une charte à laquelle doivent satisfaire les magasins regroupés sous l’enseigne Biocoop3. 51Ce créneau est surtout occupé par les produits du commerce équitable Leroy, 2002, mais la notion de juste rémunération du travail du producteur agricole » peut se décliner sur toute production. En métropole, certains groupes d’agriculteurs, notamment des agriculteurs transformateurs fermiers, réfléchissent à la déclinaison de cette notion pour leurs propres produits. Les initiatives d’AMAP Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, associations regroupant des agriculteurs et des consommateurs sur la base d’un engagement d’achat annuel de la part des consommateurs, connaissent actuellement un impact certain, en France comme dans de nombreux autres pays Réseau URGENCI, 2004. Cette volonté de reconstruction du lien social entre producteurs agricoles et consommateurs, autour de l’acte d’achat alimentaire, a fait l’objet de travaux notamment au Brésil Arl, 2003 ; Byé et al., 2004. La relation directe avec le consommateur, dans ces systèmes, confère aux producteurs agricoles un avantage comparatif par rapport aux circuits longs de distribution. 52Les marchés de ces produits reposent sur des attentes des consommateurs particulièrement complexes, relatives à des valeurs spécifiques et à une vision de la société. Se rassurer par rapport à un risque alimentaire spécifique ESB, chlordécone 53Le risque alimentaire est aujourd’hui perçu par le consommateur avec plus d’acuité Aurier et Sirieix, 2004. Les stratégies des consommateurs pour s’y soustraire, ou non, sont cependant très variables, et parfois peu durables. Chaque crise de l’ESB a été ainsi suivie d’une chute brutale et importante des ventes, mais partiellement compensée par une reprise. En réponse, la stratégie marketing des entreprises s’inscrit dans la réassurance » apportée par la communication sur la traçabilité, les signes de qualité ou les marques. 54Les inquiétudes sanitaires provoquées par l’ESB en France ont accéléré le développement du marché des produits biologiques, en particulier celui de la viande, le label Agriculture biologique » apparaissant pour certains comme le refuge le plus sûr par rapport à une inquiétude alimentaire. Du point de vue de la promotion des produits, la communication dont a fait l’objet la crise de l’ESB s’avère une communication indirecte renforçant l’inquiétude, et donc favorable au développement du produit biologique. 55Toutefois, les motivations d’achat, pour les consommateurs de produits biologiques, s’inscrivent dans une logique plus globale d’amélioration de la qualité de l’alimentation, voire de la qualité de la vie, et dépassent le simple fait de se rassurer par rapport à un risque alimentaire réel ou perçu Barbieux, 2002. 56La découverte de la pollution qui affecte l’environnement naturel en Martinique alimente probablement un sentiment de crainte par rapport à la sécurité alimentaire, et pourrait constituer un terrain favorable pour le développement du marché des produits biologiques selon la même dynamique que celle qui a prévalu dans les années 1990-2000 en lien avec l’ESB. Dans le cas de la Martinique Le Goff, 2004, la demande de traçabilité s’exprime pour la production de légumes. Certains consommateurs recherchent des légumes dont la zone de production est susceptible d’être exempte de pollution par exemple, Morne Vert plutôt que Sainte-Marie. 57Le tableau ci-dessous répertorie chacune des attentes des consommateurs auxquelles les produits biologiques peuvent répondre, ainsi que les principaux types de produits substituables. Tableau – Attentes des consommateurs et produits biologiques afférents 58Gurviez 2001 montre cependant qu’en matière alimentaire, ces différentes attentes renvoient au concept de réassurance » alimentaire Rochefort, 1997, que certains consommateurs considèrent de façon globale. Ils associent entre eux des thèmes comme la santé, le lien avec une tradition qui se rattache aux notions de terroir, de nature ou d’environnement. Cela s’accompagne d’une demande croissante de sens, d’éthique et de transparence, voire de morale ou de vertu Gurviez, 2001. 59On peut alors constater une très grande convergence entre l’ensemble de ces attentes des consommateurs prises de façon globale, et les principes de l’agriculture biologique tels qu’énoncés par l’Ifoam. En ce sens, l’agriculture biologique peut être le fer de lance » pour la reconquête de la confiance du consommateur par rapport à l’agriculture en général. Caractéristiques des marchés alimentaires en Martinique quel potentiel pour les produits biologiques ? 60Globalement, 90 % du marché alimentaire de la Martinique concerne la population de l’île, et 10 % les touristes. La population locale réalise plus de 90 % des achats alimentaires en volume sur base du nombre de personnes, tandis que les touristes représentent moins de 10 %. 61Le tableau suivant répertorie les effectifs et durées de présence sur l’île de ses habitants et des touristes. Tableau – Part du marché de l'alimentation pour les touristes et la population calcul d'après données de l'Insee – estimations 4 Durée moyenne de présence. Note44 62L’Insee estimait la population de la Martinique à 386 000 habitants en 2001. En 1999, la part de la population dans les quatre plus grandes agglomérations représentait 58,3 %. Fort-de-France concentrait à elle seule 35,3 % de la population. La majorité des habitants de l’île a un mode de vie et des approvisionnements alimentaires urbains. Les circuits d’approvisionnement alimentaire sont les grandes surfaces, boutiques, marchés, et la restauration hors foyer restaurants…. Selon l’Insee, chaque commune dispose d’un magasin alimentaire ou d’une supérette, ce qui dénote un approvisionnement alimentaire largement dépendant des circuits commerciaux. Pour ceux qui disposent d’un jardin ou sont agriculteurs, s’y ajoute l’autoconsommation. L’agriculture emploie 14 % de la population active en 2000 Agreste Martinique, 2002, c’est-à -dire largement trois fois plus qu’en métropole. Cette population mobilise pour partie les ressources de l’exploitation pour les besoins alimentaires familiaux, dans le cas des petites exploitations agricoles. 63La part des dépenses qui est consacrée à l’alimentation est plus importante chez les ménages antillo-guyanais par comparaison avec les ménages métropolitains. L’alimentation représente en effet 26 % des dépenses des ménages antillo-guyanais en 1995. Ce pourcentage est supérieur à celui que l’on constate en métropole où la part de l’alimentation est inférieure à 20 %. Or, à l’exception des fonctionnaires qui reçoivent un salaire supérieur, les revenus des salariés du privé sont équivalents ou plus faibles qu’en métropole voir chapitre Ce facteur n’est pas favorable pour la commercialisation de produits alimentaires plus coûteux. Or, les produits biologiques sont souvent plus chers que leurs équivalents cultivés avec les méthodes d’agriculture conventionnelle voir chapitre 64La commercialisation de produits biologiques martiniquais doit viser en priorité la population urbaine locale qui représente la plus grande partie du marché potentiel. Bien que cette population s’approvisionne en produits alimentaires auprès des supermarchés, hypermarchés et supérettes alimentaires, ce circuit n’est pas forcément le plus pertinent pour tous les produits biologiques où les marchés et circuits spécialisés tiennent une place importante, garantissant en outre une meilleure valeur ajoutée au producteur. 65Les produits agricoles de la Martinique tiennent peu de place dans l’alimentation de ses habitants, qui sont donc à la recherche de leurs racines alimentaires ». La consommation alimentaire en Martinique est en effet très tributaire des importations et fait peu appel aux produits de l’agriculture locale. Ce, à l’exception notable des légumes frais où la part des produits locaux atteint 76 % Gallot, 2000. 66Ce constat accrédite chez certains interlocuteurs martiniquais l’idée d’une relative perte de maîtrise de l’alimentation Orgapéyi », associations de consommateurs, qu’ils chercheraient à compenser par la recherche d’une alimentation davantage liée au terroir. 67Ces attentes des consommateurs ne sont pas propres à la Martinique, mais concernent la métropole, l’Europe et le monde avec des modalités différentes selon les régions. La perte de repères due à la mondialisation et à l’uniformisation des modes de vie s’exprime de façon particulièrement aiguë en matière d’alimentation. Elle suscite en retour une recherche d’identité qui passe par l’alimentation. Ce phénomène est durable et avait déjà été signalé dans les années 1980 par Fischler Fischler, 1990. 5 Est considéré comme local un produit dont la fabrication est finie localement, quelle que soit l’or ... 68Selon l’Insee Gallot, 2000, en 1995, la couverture des besoins alimentaires par des produits locaux5 s’établit à 63 % en Martinique voir tableau Ce chiffre rend compte du développement constant des industries agro-alimentaires depuis les années 1970. Mais les produits agricoles de l’île y tiennent peu de place, l’essentiel étant transformé à partir de matières premières importées. Ainsi, la filière boulangerie pâtisserie fonctionne à partir d’importations, de même qu’en grande partie la filière laitière et la filière des boissons à l’exception notable du rhum et de certains jus de fruits. L’élevage local est tributaire de l’importation de l’alimentation animale. 69L’élevage sur l’île ne satisfait qu’une part mineure des besoins locaux. D’une part, la production de viande reste faible pour plusieurs raisons, détaillées au chapitre 4, notamment le coût de l’alimentation animale et le manque d’infrastructures d’abattage. D’autre part, la concurrence avec la viande congelée importée, vendue beaucoup moins cher que la production locale, limite la taille des marchés et compromet le développement d’élevages spécialisés. 70Concernant les fruits consommés, 57 % sont d’origine martiniquaise. Les fruits de la Martinique souffrent de la concurrence avec les importations de la République dominicaine, la Dominique ou Cuba. 71En revanche, les fruits et légumes frais, notamment les tomates, salades, concombres, sont en grande partie produits sur place. Pour ces produits, les parts de marché des producteurs locaux sont de 76 % en Martinique et l’objectif affiché est d’atteindre en la matière une autosuffisance. Tableau – Taux de couverture des besoins par les produits locaux source Insee à partir des statistiques douanières 6 AOP Appellation d’origine protégée, nouvelle appellation européenne = AOC appellation d’origin ... 72Ces tendances offrent un marché aux produits biologiques locaux, mais aussi aux productions martiniquaises en général, plus particulièrement celles qui sont du ressort des agriculteurs locaux ADIR, 1994, du terroir AOP, IGP6. 73En d’autres termes, cette déconnexion entre l’alimentation des habitants de l’île et leur agriculture peut être considérée comme un facteur très favorable au développement de produits biologiques locaux, notamment pour les produits biologiques qui incarnent » le lien au terroir et au territoire par exemple, les produits végétaux traditionnels. Mais, s’ils sont plus chers, les produits biologiques risquent de souffrir de la concurrence avec les autres productions martiniquaises locales répondant à cette même attente de relocalisation de l’alimentation » fruits et légumes locaux vendus directement même s’ils ne sont pas biologiques, autres viandes locales notamment. 74Dans ce contexte, la différence de prix entre produits biologiques et autres produits locaux sera un argument déterminant pour les consommateurs, et les producteurs biologiques doivent s’attendre à des difficultés pour vendre leur produit plus cher. Compte tenu des coûts de production en agriculture biologique, plus élevés qu’en agriculture conventionnelle en général, cette observation renforce la nécessité d’une certification crédible pour le consommateur, le rassurant en quelque sorte quant à la différence de prix. Les touristes des opportunités à développer pour certains produits melon, sucre… 75Même si le marché alimentaire pour les touristes calculé sur la base des jours de présence représente moins de 10 % du marché alimentaire de l’île, le marché touristique peut néanmoins s’avérer porteur pour certains produits particuliers, et augmenter la demande locale de façon importante. C’est le cas pour le melon 1500 à 2000 tonnes de melon peuvent être écoulées chaque année à des prix équivalents à ceux de l’exportation au départ de la Martinique Langlais et Bertin, 1999. 76Pris dans son ensemble, le marché touristique est en régression. Le nombre des touristes diminue depuis 1998 Marques, 2002, où le record d’un million de visiteurs a été atteint. Le taux de cette décroissance » atteint 19 % en 2000. Le tourisme dans son entier, de séjour hôtels, gîtes ruraux, chez l’habitant et de croisière, est affecté. La clientèle française représente 84 % du flux touristique, 93 % si l’on intègre les touristes en provenance des DOM Guadeloupe et Guyane. Plus de 50 % résident à l’hôtel, 22 % ont loué des villas et environ 25 % logent en famille ou chez des amis. 77Ces touristes sont en majorité 45 % âgés de 25 à 44 ans, plus de la moitié ont un revenu entre 2000 et 6000 euros par mois, les cadres et professions libérales représentent 35 %, les retraités 11 %. On constate donc une convergence entre les profils sociodémographiques des touristes métropolitains et ceux des consommateurs de produits biologiques surreprésentation des cadres et professions libérales, soit un facteur favorable pour la commercialisation de produits biologiques. Un peu plus de 40 000 personnes sont venues en Martinique pour affaires ou congrès, soit 6 % des touristes en 2001 contre 10 % en 2000. Des prestations de repas biologiques peuvent être proposées dans le cadre de certains congrès ou manifestations collectives. 78Une partie du marché alimentaire ayant trait au tourisme est captif. Les croisiéristes dépendent de leur opérateur, les touristes en séjour en pension complète font avec l’approvisionnement du restaurant de l’hôtel où ils séjournent. Il faudra donc que les opérateurs de l’agriculture biologique négocient avec ces opérateurs la vente de leurs produits pour développer la consommation des produits Bio auprès de ces cibles de consommateurs. 79Selon une enquête menée en 2001 Marques, 2002, les touristes jugent défavorablement au plus, un tiers s’en déclare satisfait les prix des prestations hôtellerie et restauration. Cela devrait engager à privilégier pour les touristes la commercialisation de certains produits Bio particuliers, avec une valorisation de l’origine biologique » des produits par une communication adaptée. Cette solution est sans doute préférable à celle qui consisterait à promouvoir des prestations de repas biologiques », laquelle augmenterait les coûts de restauration de façon importante. Par exemple, la commercialisation de sucre biologique de la Martinique » pour le punch pourrait entrer dans cette stratégie en permettant une bonne valorisation en termes d’image, alors que les quantités de produit consommées sont minimes, ce qui limite l’impact d’une augmentation de prix voir chapitre Au nord de l’île, des opportunités de développement en lien avec le tourisme vert 80Le marché lié au tourisme vert en Martinique est pour le moment quantitativement faible, mais des exploitations pratiquant à la fois l’agrotourisme et l’agriculture biologique ou une association entre ces deux types d’exploitations pourraient trouver là une voie de développement. Il existe en effet une convergence de valeurs entre l’agriculture biologiques et le respect, la connaissance de l’environnement naturel, que recherchent les clients de ce type de prestations. 81Les exploitations qui pratiquent le tourisme vert » en Martinique sont au nombre de 46 Agreste Martinique, 2002. Vingt-cinq d’entre elles organisent des visites de leur exploitation et six proposent une restauration à la ferme. C’est le nord de l’île qui offre le plus d’opportunités avec 34 sites contre 12 au sud. Par ailleurs, 105 exploitations transforment les produits de la ferme pour la vente viande, confitures, liqueurs…. 7 Communication de Mme Guibot, responsable du PNRM dans le cadre de l’expertise collégiale. 82En outre, de nombreux projets offrent des prestations de découverte de l’environnement naturel et de l’agriculture de l’île, basées sur un patrimoine naturel et historique très riche Nosel, 2000. Le Parc national régional de Martinique PNRM tend actuellement à développer l’agro-tourisme autour de la valorisation des sites, des produits alimentaires artisanaux, des savoir-faire, et a développé un label, comme dans les autres parcs régionaux7. Pour l’instant, ce label n’est décliné par une charte de qualité que pour le miel et compte quatre adhérents, qui rencontrent d’ailleurs des problèmes de vente. Le patrimoine naturel demeure peu connu et peu valorisé des Martiniquais eux-mêmes. Pourtant, dans la zone Caraïbe, en Guadeloupe, la nature est mentionnée comme étant la troisième raison de visite pour les touristes et offre un espace récréatif très apprécié aux habitants Demonio, 2000. 83Le Parc national de Guadeloupe a répertorié les demandes touristiques de ses visiteurs. Rapportées dans le tableau suivant, elles donnent une idée du potentiel de marché pour ce type d’écotourisme, pour les produits de l’agriculture biologique locale et pour les produits locaux typiques », biologiques ou non. La population émigrée et les touristes de retour en métropole 84Les touristes ayant visité la Martinique, comme les natifs du pays en métropole, auront tendance à rechercher les produits qui leur rappelleront leur voyage. Ils effectuent des achats alimentaires qu’ils emportent à la fin des vacances pour les offrir produits alimentaires porteurs d’identité, et qui se conservent, et recherchent, de retour en métropole, des produits qui témoignent des saveurs de leurs escapades. Sur cette base, les chaînes de supermarchés ont développé des rayons de produits ethniques ». Pour la Martinique, l’entreprise Royal Fruits valorise l’atout Martinique » en commercialisant ses jus de fruits, accompagnés d’un environnement » valorisant la Martinique, son paysage, et son image en métropole. Compte tenu de l’origine métropolitaine de 93 % des touristes, ce marché est limité à la métropole où résident aussi un quart des natifs de Martinique, la majorité étant installée en Île-de-France Marie et Qualité, 2002. La commande publique une opportunité de développement pour l’agriculture biologique 85La restauration scolaire et la restauration collective liée aux entreprises peuvent constituer un marché significatif pour les produits biologiques Hamm et al., 2002. Plusieurs villes d’Europe développent des initiatives de restauration Bio » dans les cantines scolaires ou restaurants d’entreprise. La Ville de Vienne en Autriche développe une politique ambitieuse d’achat de produits biologiques pour les cantines. Cette politique s’intègre dans le cadre d’une politique d’achats publics durables », qui porte par ailleurs sur les économies d’énergie… Plusieurs arrondissements de Paris et de nombreuses communes rurales, surtout dans le sud de la France, proposent des repas biologiques en cantine scolaire. À Lorient, le restaurant universitaire propose même chaque jour des repas biologiques Le Goff, 2001. 86Une politique résolue d’achats publics a pour effet de stimuler la production biologique. Le secteur de la restauration 87Les touristes ont dépensé 229 millions d’euros en Martinique, dont 15 % concernent le secteur de la restauration. 88Les hôtels avec restaurant sont majoritaires en Martinique. Pour les formes de restauration sans hébergement, la restauration traditionnelle et la restauration rapide tiennent une place équivalente Henry, 2000. Plus des trois quarts de l’emploi de la restauration traditionnelle ou rapide sont situés sur la zone Lamentin – Schoelcher – Fort-de-France. 89Le potentiel des produits biologiques certifiés pour le secteur de la restauration relève d’une niche de marché que les producteurs doivent travailler. L’accueil de l’offre Bio par les grands opérateurs croisière, catering pour l’aéroport dépend de leur politique en la matière. L’offre Bio devra être accompagnée de communication sur le produit, pour valoriser l’image de l’opérateur au travers du produit Bio. Sur la base de ce que l’on constate en métropole, il est probable que la demande pour les produits Bio en restauration traditionnelle ou rapide sera limitée voire inexistante, en dehors de restaurant Bio » travaillant exclusivement les produits biologiques. Ce type d’initiative n’a pour l’instant pas vu le jour en Martinique. 90En revanche, les produits locaux typiques » ont un potentiel pour les restaurants accueillant des touristes. Le marché des produits biologiques aujourd’hui en Martinique 91Il n’existe pas d’étude du marché des produits biologiques en Martinique. Plusieurs interlocuteurs soulignent l’intérêt qu’il y aurait à mener une telle étude dans la perspective du développement de l’agriculture biologique certifiée. Distribution des produits biologiques en Martinique 92Les indicateurs dont on dispose pour évaluer le marché des produits biologiques sont donc partiels et reposent d’abord sur les évaluations que les acteurs des filières biologiques en Martinique peuvent faire de leur activité. La société Diedis spécialisée dans l’importation de produits diététiques et biologiques dispose d’un entrepôt et de quatorze magasins en Martinique, qui réalisent ensemble environ 2 M. d’euros de chiffre d’affaires en produits biologiques CA hors compléments alimentaires, également distribués par ces magasins. Les produits commercialisés dans ses boutiques sont exclusivement des produits importés, car, malgré ses efforts, la société n’a jamais réussi à s’approvisionner en produits biologiques frais auprès de producteurs locaux. Quelques tentatives ont été faites, mais les producteurs ont préféré retourner à la vente directe. L’hypermarché HYPER U propose des produits biologiques et constate que ses ventes ont augmenté de 45 % en 2002. Cela est aussi dû au fait que l’offre présentée a augmenté et que des animations ont été réalisées. On constate le même phénomène qu’en métropole, à savoir que, lorsque l’offre est présente, les consommateurs suivent et augmentent leurs achats de produits biologiques François et al., 2002. Les producteurs d’agriculture biologique certifiée AB association Bio des Antilles » ont créé un marché Bio à Saint-Joseph. Les producteurs de l’association Orgapéyi », plus proches de l’AE voir chapitre commercialisent leurs produits en direct sur un marché itinérant, et ils viennent de créer un marché pour ces produits. L’un des agriculteurs interrogés dans le cadre du séminaire de l’expertise collégiale déclare ne pas vendre les produits plus cher que les produits conventionnels, et connaître parfois ponctuellement des problèmes d’écoulement. Ce problème de surproduction ponctuelle existe aussi dans d’autres contextes. La production biologique étant plus soumise aux aléas naturels que la production conventionnelle, les producteurs peuvent se trouver par moment avec un excédent d’offre par rapport à ce que leurs capacités habituelles de commercialisation leur permettent d’écouler. En outre, pour les producteurs martiniquais, le fait que les structures d’abattage fassent défaut ne facilite pas la commercialisation des produits animaux. 93Ces indicateurs semblent montrer qu’un marché existe en Martinique pour les produits biologiques, sans doute plus important en proportion que ce que l’on peut connaître en métropole. En particulier, le chiffre de quatorze magasins spécialisés pour 400 000 habitants environ peut être considéré comme élevé. Cet engouement peut être attribué à une sensibilisation du consommateur par rapport à l’environnement, à une inquiétude diffuse quant à la qualité des aliments dans un contexte de médiatisation de la question du chlordécone en Martinique. Dans ce contexte, il est probable que la demande en produits frais biologiques n’est pas satisfaite, ce qui n’empêche pas que les producteurs constatent ponctuellement des surplus de production. La demande en produits frais locaux, biologiques ou non, est de toutes façons importante en Martinique Chambre d’agriculture de la Martinique, 2002. Les formes de distribution actuelles des producteurs biologiques à la Martinique 94Aujourd’hui, les producteurs de l’association Bio des Antilles », comme les producteurs de l’association Orgapéyi », privilégient la vente directe à la ferme de leur production et/ou fréquentent des foires réservées aux produits biologiques ou aux produits d’ Orgapéyi » 95Les producteurs de l’association Bio des Antilles » organisent un marché à Saint-Joseph une fois par quinzaine. Il comprend quatre producteurs biologiques. L’offre reste limitée, de même que la fréquentation du marché. 96Les producteurs de l’association Orgapéyi » ont organisé un marché à Saint-Joseph une fois par quinzaine. Trois producteurs y sont présents mais aussi un fabricant de plats cuisinés. Cette initiative relayée par une radio locale semble avoir une bonne popularité. Enfin, un marché itinérant permet de faire connaître l’association mais son impact en termes de ventes pour les producteurs reste faible. 97Dans le contexte actuel où le volume de production de produits biologiques est très limité par rapport à la demande, la vente directe est en effet le mode de commercialisation qui permet de conserver le maximum de valeur ajoutée au niveau du producteur. Par exemple, au Brésil, il a été observé que seulement 20 % du prix au consommateur revient au producteur, contre 30 % aux intermédiaires Campanhola et Valarini, 2001. Tant que leur volume à commercialiser reste limité et qu’ils peuvent assurer en direct la commercialisation, les producteurs ont intérêt à développer les formes de vente les plus directes possible, et à limiter les intermédiaires. 98Cependant, lorsque le volume à commercialiser augmente, il devient plus intéressant d’écouler une partie de la production par des circuits susceptibles d’absorber de gros volumes pour un temps de travail limité, quitte à conserver une partie de la production écoulée par les circuits de vente directe qui permettent, quant à eux, une meilleure valorisation du produit. Ainsi, un producteur en AB de la Martinique commercialise une partie de sa production sans surplus de prix par rapport au conventionnel par un réseau de GMS, et réalise une meilleure marge sur ses ventes directes ou par foire. Les deux circuits s’avèrent alors complémentaires. Possibilités de développement par produit 99Le tableau présenté ci-après examine les possibilités de marché des produits en agriculture biologique, produit par produit, avec les atouts et contraintes, du point de vue des potentialités de marché. 100Pour le marché local, du fait de la proximité entre producteurs et consommateurs, nous envisageons la possibilité de développement de produits d’agriculture biologique certifiée AB, et de produits de qualité sous cahiers des charges de producteurs en agriculture agroécologique AE. Ces cahiers des charges expliquent la façon dont les produits sont produits, et ils sont communiqués aux consommateurs sur les lieux de vente. Différentes modalités de communication complémentaires peuvent être mobilisées par les producteurs. Ce type de cahiers des charges ne donne pas le droit d’utiliser les termes de produit de l’agriculture biologique », ni le logo AB, mais il peut permettre de valoriser les initiatives des producteurs de façon plus souple que la certification en agriculture biologique, et/ou y conduire, à terme. Il est à noter que cette démarche n’est pas pertinente lorsque les circuits s’allongent, et que producteurs et consommateurs s’éloignent. En particulier, elle n’est donc pas adaptée à l’exportation, ni lorsque les produits sont distribués en GMS, c’est-à -dire dès que l’étiquetage est le seul lien d’information entre producteurs et consommateurs. 101On examinera par la suite les possibilités techniques de production de ces produits en agriculture biologique en Martinique, ce qui permettra de conclure sur des voies prioritaires de développement. Tableau Potentialités de développement de marché des produits en agriculture biologique 102En ce qui concerne l’élevage, les données examinées laissent penser que le potentiel du marché local concerne des produits pour lesquels la différence de prix avec les produits pays » doit être faible. Compte tenu du coût des intrants, il semble pertinent de développer la production animale biologique préférentiellement en complément de productions végétales. L’intérêt d’une certification en AB sur ces productions, compte tenu de son coût et des contraintes qu’elle engendre notamment sur l’abattage, n’apparaît pas en première analyse. 103Pour les produits agricoles locaux, où le taux de couverture du marché par la production locale est significatif, on peut estimer grossièrement la demande potentielle de la Martinique en légumes biologiques. Une base de 1 %, peut en effet être retenue, sachant qu’en 1999, on estimait le pourcentage des ventes en produits Bio à 0,5 % en GMS. Sur ces produits, la pénurie de l’offre en GMS, les livraisons irrégulières et la nature périssable du produit Bio sont dissuasifs pour les GMS qui ne les offrent pas. Les consommateurs de produits Bio achètent donc ces produits préférentiellement au marché ou en magasin spécialisé François et al., 2002. Ces formes de commercialisation par les marchés et la vente directe sont d’ailleurs celles qui sont majoritairement choisies, tant par les agriculteurs de l’association Bio des Antilles » que par Orgapéyi ». L’expérience de Cuba montre que l’organisation de jardins en zone périurbaine peut augmenter de façon significative la couverture des besoins locaux par les produits du pays Oppenheim, 2001. Certification et développement du marché des produits biologiques en Martinique L’agriculture biologique parmi les autres signes de qualité 104Pour faire reconnaître au consommateur la qualité de son produit, le producteur peut utiliser une marque privée individuelle ou collective, et/ou un Signe de qualité officiel » SIQUO tableau 105Ces signes de qualité officiels ne sont pas une réponse opportuniste et récente à des stratégies de segmentation de marchés, mais résultent d’une œuvre de longue haleine, entreprise dès le début du xxe siècle, et visant à doter la France d’instruments de compétitivité, par la qualité et l’origine, au bénéfice des consommateurs, des professionnels et de l’aménagement du territoire Conseil économique et social, 2001. 106En France, la loi d’Orientation agricole de 1999 mentionne cinq signes d’identification de la qualité et de l’origine l’AOC, le label rouge, la certification de conformité produit, la certification du mode de production biologique et la dénomination montagne ». En outre, la loi d’Orientation agricole de 1999 prévoit qu’un décret d’application définisse les conditions d’emploi des termes ferme » et fermier ». Aujourd’hui, faute d’accord entre les professionnels, ou d’arbitrage de la puissance publique, ce décret n’est pas encore paru. 107Pour que le consommateur puisse reconnaître la qualité spécifique d’un produit, l’Union européenne prévoit pour sa part quatre signes de qualité l’Appellation d’origine protégée AOP, l’Indication géographique protégée IGP, la Spécialité traditionnelle garantie STG et l’Agriculture biologique AB. Les réglementations française et européenne sont donc cohérentes, sans pour autant se recouvrir totalement. 108Enfin, les produits issus d’exploitations pratiquant l’Agriculture raisonnée voir l’arrêté du 30 avril 2002 relatif au référentiel de l’Agriculture raisonnée, et qualifiés à ce titre au sens du décret no 2002 631 du 25 avril 2002 relatif à la qualification des exploitations agricoles au titre de l’agriculture raisonnée, peuvent faire figurer sur la publicité ou l’étiquetage des produits la mention issu d’exploitations qualifiées au titre de l’agriculture raisonnée ». Il ne s’agit pas ici d’assurer le consommateur d’une qualité particulière du produit, mais d’un mode de production respectueux de l’environnement. 109Le Conseil national de l’alimentation dans son avis no 45 du 30 octobre 2003, tout en soulignant l’intérêt des signes de qualité officiels pour le développement économique à long terme, reconnaît que la cohérence du positionnement des signes nationaux les uns par rapport aux autres reste posée, en sus des réglementations française et européenne. 110Pour le consommateur, la présence de très nombreuses mentions et signes relatifs à la qualité introduit une certaine confusion. En France, parmi les signes de qualité officiels, les consommateurs citent spontanément le Label Rouge pour 43 %, le logo AB pour 18 %, l’AOC étant citée par 12 % d’entre eux. Parmi les signes officiels de qualité, le signe de qualité Agriculture biologique » est donc bien connu des consommateurs. En revanche, la Certification de conformité produit et les Indications géographiques protégées sont inconnues de la plupart des consommateurs, en France comme en Europe Conseil national de l’alimentation, 2003. Tableau – Les signes de qualité officiels SIQUO en France et en Europe 111En dehors des signes de qualité officiels, les producteurs peuvent aussi utiliser la notion de marque, individuelle ou collective, et un cahier des charges privé. Les marques collectives sont accessibles à toutes les entreprises qui adhèrent à un règlement ou à un cahier des charges. Elles ont un effet structurant sur la filière dont elles améliorent la qualité de prestation, l’image de marque, la mobilisation des producteurs et des équipes techniques, l’organisation et la compétitivité. On citera en particulier les marques collectives Produits de la ferme – Bienvenue à la ferme », gérées par les chambres d’agriculture, les marques collectives des Parcs naturels régionaux. Outre ces deux marques présentes en Martinique, des marques collectives ont été développées pour les productions animales Leimbacher, 1996. Les marques sont régies par le droit des marques, sous l’égide de l’INPI Institut national de la propriété industrielle en France. Certifier les produits en agriculture biologique quelles procédures en Martinique ? 112La Martinique compte douze exploitants certifiés en agriculture biologique au sens de la réglementation française et européenne, dont les surfaces en production agrobiologique sont notifiées à la Direction de l’agriculture et de la forêt DAF. Seuls les produits issus de ces exploitations sont biologiques » et peuvent porter la mention AB. Mais elle compte aussi 104 exploitants qui, selon le RA 2000, se déclarent bio », et 139 autres en reconversion Agreste Martinique, 2002. Or, les surfaces correspondantes ne sont pas notifiées à la DAF. Cela dénote un engouement pour l’agriculture biologique qui dépasse son extension réelle sur le terrain, et/ou une relative méconnaissance des règles. En outre, 5073 exploitations vendent leur production directement au consommateur. Il peut s’agir de vente à la ferme, ou sur les marchés. Or, pour le consommateur, la notion de produit vendu par le producteur lui-même est aussi porteur de lien à la terre et à l’identité alimentaire. Enfin, 105 déclarent transformer une partie de leur production pour la vente sur la ferme produits fermiers ». Tableau – Département Martinique activités diverses en 2000 Agreste Martinique, 2002 113Enfin, en Martinique, le groupe Orgapéyi » défend une agriculture qu’il considère comme biologique », reposant sur une éthique, et se traduisant par des pratiques agricoles que les membres d’ Orgapéyi » décrivent comme proches de l’agriculture biologique. 114En outre, Orgapéyi » organise des relations avec l’organisation de consommateurs Capable » qui promeut les mêmes valeurs au niveau des consommateurs. 115On comprend bien que, dans ce contexte, si des producteurs se réclamant de l’agriculture biologique s’imposent des contraintes, et notamment la non-utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires de synthèse pour obtenir les produits, il leur faut faire connaître cet effort au consommateur, en particulier pour justifier une différence de prix qui est due à des coûts de production supérieurs. Les modes de certification utilisables en Martinique 116Pour certifier un mode de production agrobiologique, les agriculteurs peuvent développer la certification officielle par un organisme certificateur Agriculture biologique » nommée AB-co dans le rapport ; voir chapitre certification individuelle ou par groupes ; une forme de certification participative Agriculture biologique » nommée AB-cp dans le rapport ; voir chapitre ; une forme de certification sur des cahiers des charges pour des produits d’ agriculture écologique » nommée AE dans le rapport ; voir chapitre Le cas échéant, ces cahiers des charges pourraient faire l’objet de contrôles par organismes certificateurs si les producteurs font ce choix de développement. 117En tout état de cause, pour réaliser le potentiel de développement que représente l’agriculture biologique, une démarche de certification, qu’elle soit officielle ou participative, s’impose. Elle permet au consommateur de trouver des repères parmi des formes de produits proches les uns des autres, justifie d’éventuelles différences de prix et protège contre les fraudes. La démarche de certification protège aussi les producteurs et les aide à faire reconnaître au consommateur la qualité spécifique des produits qu’il leur propose. La certification ajoute de la valeur, à la fois au niveau économique, mais pas seulement Barrett et al., 2001. Le processus de certification engage les producteurs à formaliser leurs pratiques et à mettre au point des procédures internes de gestion de la qualité qui peuvent être réinvesties dans d’autres domaines, au service du développement du groupe. 118Au sens du règlement européen ou de la réglementation française, la certification doit être effectuée par un organisme certificateur AB-co, ce qui donne le droit d’utiliser le logo européen et le logo français de l’agriculture biologique –AB–, ainsi que d’utiliser les termes Bio », agriculture biologique », sur l’étiquette du produit. Cette procédure permet à la fois de vendre sur le marché local avec un logo rassurant et connu du consommateur, et également à l’exportation vers les pays de l’Union européenne, ce qui, pour l’exportation, constitue la plus grande part des marchés pour la Martinique. Pour les produits destinés à l’exportation, dont on envisage d’écouler une partie sur le marché local, cette procédure est incontournable. 119Toutefois, l’éloignement de la Martinique par rapport à la France et à l’Union européenne zone ultrapériphérique pose question par rapport à cette procédure, tout particulièrement en raison de son coût pour les petits producteurs, car les organismes certificateurs européens sont éloignés, et, pour l’instant, ils ne sont pas représentés aux Antilles. L’IFOAM défend une procédure particulière de certification pour les petits producteurs, particulièrement les petits producteurs des pays en développement, mais cette procédure est également mobilisable par les petits producteurs des pays développés IFOAM, 2003. C’est la certification par groupes de producteurs. Le principe de cette forme de certification est basé sur la définition de règles de contrôle internes au groupe ICS, Internal Control System. L’IFOAM reconnaît que ce système de contrôle permet une meilleure surveillance que des visites annuelles externes. Plus de vingt-cinq organismes de certification dans le monde travaillent sur la certification de groupes de producteurs, dont dix sont accrédités par l’IFOAM et respectent les critères de certification par groupes, laquelle est gérée par l’IOAS International Organic Accreditation Services. 120Enfin, dans certains pays comme le Brésil, des organisations de producteurs notamment le réseau Ecovida s’inscrivent dans cette procédure en développant la certification participative ». Ces démarches ne sont pas automatiquement accréditées par l’IFOAM, mais les organisations qui les portent militent pour la reconnaissance internationale de ce type de certification. En France, elles ne donnent pas le droit d’utiliser les termes d’ agriculture biologique », Bio », ni le logo européen ou français AB ». 121Au Brésil, la nécessité d’un type de certification différent apparaît pour les petits producteurs parce que la certification par organismes certificateurs Arl, 2003 favorise explicitement un petit nombre d’organismes certificateurs qui dominent le marché des produits biologiques dans le pays, et à l’exportation ; conduit à un excès de contrôles, documents et bureaucratie, inadaptés aux conditions de la réalité de l’agriculture familiale et des petits producteurs ; élève les coûts de certification ; ne prend pas en compte la spécificité de la vente directe au consommateur foires, vente à la ferme…. 122La certification participative » ne certifie pas seulement un produit. C’est un outil du projet social du groupe, et non pas un objectif en soi Arl, 2003 ; Byé et al., 2004. La démarche de reconstruction sociale, entre les producteurs eux-mêmes, et entre producteurs et consommateurs, prime sur la simple élaboration d’une image destinée à identifier les processus agroécologiques et les produits qui en sont issus. Cette démarche implique un rapprochement étroit entre consommateurs et producteurs, non seulement sous la forme d’une vente de marchandises, mais aussi d’un échange d’informations, de reconnaissances réciproques et donc de partage d’expériences. Cette démarche s’appuie sur des ressorts différents de ceux de la certification par organisme certificateurs, mais n’en est pas moins exigeante, en termes d’organisation, et de transparence. Elle ne réclame pas moins d’engagement de la part des producteurs, mais suppose qu’il prenne une forme différente. La mise en place de conseils d’éthique de foire », l’organisation de réunions impliquant, outre les producteurs, les consommateurs, l’organisation de visites de producteurs, participent de cette stratégie. Au Brésil, le selo » timbre en portugais Ecovida constitue pour le moment le seul signe d’identification de la spécificité collective de la démarche. 123En Martinique, l’association Orgapéyi » repose aussi sur ce type de valeurs de type sociétal. L’association Capable promeut les mêmes valeurs au niveau d’un groupe de consommateurs. Des tentatives de rapprochement entre les deux structures, autour de la constitution d’un cahier des charges pour les producteurs, validé par les consommateurs, ont été tentées Capable, communication dans le cadre de l’expertise collégiale. Il n’a pas été possible de consulter ce cahier des charges lors de l’expertise collégiale, ce qui ne permet pas de se prononcer quant à sa proximité éventuelle avec les règles de l’agriculture biologique, mais l’existence même de ces deux structures constitue une indication de convergence entre les attentes d’une partie de la société martiniquaise par rapport à l’agriculture et l’alimentation, et les valeurs portées par le groupe Orgapéyi ». Elles pourraient être partie prenante d’un dispositif de certification participative » qui reposerait alors sur la transparence des cahiers des charges et leur large communication ce qui n’est pas encore le cas actuellement. Conclusion 124Les parts de marché des produits biologiques, mais aussi des produits typiques et des produits fermiers, pourraient être augmentées en Martinique. À condition de les associer à une communication adaptée, ces actions pourraient avoir une influence positive à la fois sur les possibilités économiques offertes aux producteurs et sur l’image de la Martinique, pour ses habitants et pour les touristes. 125Une démarche visant à développer le marché des produits biologiques suppose d’abord que l’on réponde aux attentes des consommateurs. Mais s’agissant des produits biologiques, elle ne peut pas se limiter à cela. Plus que pour les productions conventionnelles, le mode de production agrobiologique détermine les productions possibles au travers des contraintes techniques rotations, plantes fixatrices d’azote, diversité, adaptation des races et variétés au terroir. Enfin, les forces du marché voir Lampkin, chapitre à elles seules, ne donnent pas les moyens à l’agriculture biologique d’offrir la totalité de son potentiel au service de l’environnement et de la société. Une politique publique de soutien au développement est nécessaire. 126En Martinique, le développement de l’agriculture biologique et de ses marchés doit donc être pensé en fonction des trois pôles moteurs pour son développement 127• La demande des consommateurs et leurs attentes 128Il n’y a pas de doute quant à la rencontre entre les attentes d’une partie des consommateurs à la recherche de produits sains et naturels », de produits de terroir issus de la Martinique, voire d’équité sociale, et les fondements de l’agriculture biologique. Le marché des produits Bio existe en Martinique, et les indicateurs recueillis sur le marché actuel le prouvent. Toutefois, s’agissant d’un développement important de la production biologique pour le marché local en Martinique, il faut souligner l’absence de données de marché il n’existe pas d’étude du marché des produits en Martinique et plusieurs interlocuteurs soulignent l’intérêt qu’il y aurait à réaliser ce travail. La question du prix se pose en particulier avec acuité. Le coût de la production biologique plus élevé que celui des produits traditionnels, la part importante du revenu déjà consacré à l’alimentation par les habitants, occasionnent des tensions déjà observées sur les prix des produits. Aujourd’hui, certains producteurs en AB ne valorisent pas le produit Bio en le rendant plus cher que son équivalent conventionnel légumes.Cette question concerne en particulier les produits d’élevage volailles, cabri…, où les produits martiniquais et fermiers » sont déjà vendus à des prix très élevés compte tenu d’une forte demande en produit local de qualité non satisfaite. La mise en place de productions animales agrobiologiques en dehors d’élevage associé à des productions végétales dans le cadre d’exploitations de polyculture-élevage induit des coûts de production supplémentaires particulièrement forts dans ces filières, en raison du coût des intrants et parce que l’abattage dans une structure certifiée est rendu nécessaire. La valeur » supplémentaire perçue par le consommateur, pour la production Bio par rapport à la production de pays », mériterait d’être vérifiée. 129Dans ce contexte, les fruits et légumes biologiques, le sucre Bio pour le marché local sous condition d’une politique publique d’encouragement, les produits d’élevage comme sous-produit d’une production végétale, présentent de bonnes opportunités de développement. 130• Les possibilités techniques, économiques, sociales des producteurs 131Les contraintes techniques de la production agrobiologique limitent les quantités produites et fixent, pour partie, les produits obtenus, indépendamment de la demande des consommateurs. La problématique du marché ne se pose pas seule, mais en association avec les exigences et les contraintes de la production. Il s’agit à la fois de produire ce qui se vend autant que possible, et en même temps de valoriser ce qui est produit pour des nécessités techniques de production. Produire en agriculture biologique suppose une variété de produits production végétale, alors que les consommateurs ont tendance à préférer certains produits particuliers achetés en grande quantité comme la triade tomates, salades, concombres. En Martinique, les consommateurs recherchent aussi le lien au terroir et aux racines alimentaires », et cela devrait être un atout pour la commercialisation de produits agricoles variés, notamment en rapport avec le développement de formes d’agriculture biologique s’inspirant de la tradition du jardin créole tubercules alimentaires, pois…. 132Par ailleurs, les marchés accessibles aux producteurs dépendent des performances de leur organisation pour la mise en marché. Nécessaire pour rassurer le consommateur et éviter les fraudes, la certification Bio » pose question pour les petits producteurs. Cet écueil pourrait être levé par un appui financier à la certification, la mise en place de certification de groupes de producteurs, ou encore une réflexion sur la mise en place d’une certification participative rigoureuse. Enfin, il faut tenir compte du faible nombre des producteurs biologiques aujourd’hui. L’association Bio des Antilles » compte douze membres seulement, et, pour l’instant, les producteurs de l’association Orgapéyi », qui peuvent être considérés comme sympathisants du mode de production agrobiologique, ne s’astreignent pas à un système de certification transparent. 133Dans ce contexte, la stratégie de développement des marchés devrait viser à un renforcement des dynamiques existantes, prenant en compte dans le même temps l’appui à la production agricole augmentation du nombre des producteurs, soutien technique aux producteurs intéressés par une conversion, recherche technique…, et à la mise en marché appui à la promotion des produits, organisation de foires, appui à des formes de certification adaptées…. 134• La politique publique de soutien au développement de l’agriculture biologique 135Elle est nécessaire au plein développement de l’agriculture biologique voir chapitre Dans le domaine des marchés, elle peut s’exprimer de plusieurs manières, déjà expérimentées dans d’autres lieux soutien aux marchés dans le cadre de commandes publiques, notamment pour la restauration collective scolaire déjà en place dans de nombreuses villes européennes et françaises ; initiative publique pour le développement d’une production emblématique par exemple, le sucre semblerait adapté du point de vue du marché local. Faisabilité économique de la canne à sucre biologique2 2 Rédacteurs Éric Blanchart, Armel Toribio et Hélène Mbolidi-Baron. 136La culture de la canne à sucre est la deuxième activité agricole de la Martinique après la banane. Elle affecte directement l’emploi et l’économie de l’île. 8 UTA Unité de travail annuel – 1 UTA = un travailleur à temps plein pendant une année. 137Du point de vue social, la filière canne-rhum-sucre totalise 2400 UTA8 sans compter les nombreux travailleurs saisonniers le chiffre pourrait alors atteindre 3000 UTA. Les plantations comptent près de la moitié des emplois avec 1100 UTA, la production de rhum 1000 UTA et la production de sucre 300 UTA. 138Du point de vue économique, la production finale agricole PAF de la canne à sucre était de 79,9 MF en 1998 soit 3,9 % de la PAF totale. 139Depuis 1981, le nombre d’exploitations cannières a fortement diminué passant de plus de 1100 à seulement 300 exploitations aujourd’hui. Ce sont surtout les exploitations tournées vers les distilleries qui ont fortement régressé, passant en vingt ans de 950 à 200 exploitations. Marché du sucre Bio 140La demande en produits issus de l’agriculture biologique AB est en pleine croissance dans les pays du Nord », mais également dans les pays en développement, partout où les consommateurs solvables sont prêts à payer plus cher les denrées provenant de ce mode de production que celles tirées de l’agriculture conventionnelle. Cette demande accompagne les changements des habitudes de consommation résultant de la prise de conscience accrue des problèmes de sécurité alimentaire et de pollution de l’environnement. Les prévisions pour la part de marché réservée aux produits biologiques Bio font état d’un pourcentage de 5 à 10 % de la vente totale des produits alimentaires à l’horizon 2005. On considère aussi que les potentialités du Bio sur le long terme sont énormes Kortbech-Olesen, 1998. 141Le sucre Bio, comme denrée directement consommable ou intervenant dans un nombre considérable de préparations et boissons, n’échappe pas à la tendance générale. Pour une consommation mondiale d’environ 127 millions de tonnes de sucre, les ventes globales de sucre Bio étaient estimées à environ 50 000 tonnes en 2000, soit 30 000 tonnes de plus que cinq ans auparavant. L’Union européenne UE intervient pour 30 % dans cette consommation et le marché américain affiche des besoins compris entre 25 000 et 35 000 tonnes Buzzanell, 2000. En faisant l’hypothèse que les produits Bio transformés peuvent représenter 1 % de la totalité des produits traités pour la vente dans les pays en développement, Gudoshnikov 2001 estime que la demande mondiale en sucre Bio atteindra 190 000 tonnes en 2005-2006. Ce tonnage ne représenterait que 0,2 % de la consommation mondiale en sucre. 142Le sucre Bio provient essentiellement de la canne à sucre et de la betterave. Concernant la betterave sucrière Bio, la production européenne est très réduite ; elle est entreprise principalement au Danemark environ 400 tonnes/an et aux Pays-Bas 1500 tonnes/an, 270 ha en 2000 et prévisions de 400 ha chez le producteur Suiker Unie. Les rendements d’environ 60 tonnes/ha-1 en betterave Bio sont inférieurs de 20 tonnes à ceux obtenus en betterave conventionnelle. Cette différence rend nécessaire un subventionnement de la production aux Pays-Bas. Au Royaume-Uni, la faisabilité de la production de betterave sucrière Bio est à l’étude par la compagnie British Sugar Plc. L’intérêt exprimé par les producteurs en 2001 indique une possibilité pour 300 ha et un volume critique de 10 000 tonnes pour commencer. Aux États-Unis, différents transformateurs étudient la faisabilité économique de la contractualisation avec les agriculteurs pour la production de betterave Bio, en regard de la logistique nécessaire aux opérations d’usinage. L’option pour cette production semble freinée par le coût élevé des intrants pesticides compatibles avec l’agriculture biologique, la méconnaissance des espèces végétales à mettre en rotation avec la betterave et la difficulté à mobiliser, pour la production biologique, les infrastructures de transformation conventionnelle. Néanmoins, des opérations de préparation à la reconversion sont en cours. 143La plus grande partie du sucre Bio commercialisé dans le monde est donc actuellement produite à partir de la canne à sucre. La production de sucre Bio est généralement menée en parallèle avec une production de sucre conventionnel – qui demeure l’activité principale de la majorité des sucreries faisant du Bio. La principale contrainte actuelle du marché du sucre Bio est l’offre limitée. Cette situation génère des prix premium » élevés Buzzanell, 2000, mais on peut s’interroger sur leur pérennisation, au fur et à mesure que de nouveaux pays producteurs de sucre Bio vont faire leur apparition sur le marché. Production de sucre à la Martinique 144L’usine du Galion à Trinité est la seule sucrerie de Martinique. Elle a un statut de Société anonyme d’économie mixte SAEM et est fortement subventionnée par les collectivités territoriales, ce qui n’empêche pas des pertes d’activité très élevées environ 25 % de son chiffre d’affaires. 145La production de sucre a fortement chuté de l’ordre de 80 % entre 1970 et 1983, le tonnage de canne à sucre manipulé en sucrerie ayant baissé de 450 000 tonnes à 70 000 tonnes figure Plusieurs facteurs expliquent cette chute importante fermeture d’unités de production sucrière, abandon des plantations d’exploitation difficile, accroissement des surfaces en banane. Depuis quelques années, le tonnage de cannes manipulées en sucrerie est stabilisé entre 80 000 et 90 000 tonnes. Figure – Évolution des tonnages de cannes broyées en sucrerie et en distilleries à la Martiniqueen milliers de tonnes par an données CTCS. 146Depuis une dizaine d’années, la production de sucre par l’usine du Galion se situe entre 6 000 et 8 000 tonnes figure laquelle ne couvre pas les besoins de la Martinique équivalents à 14 000 par an. Figure – Évolution de la production de sucre à l’usine du Galion en tonne par an depuis 1977données CTCS. 147Bien souvent, le sucre roux de bouche produit dans cette usine ne satisfait pas pleinement les exigences de qualité pour le secteur industriel, ce qui induit un recul de la demande par les industriels. Le sucre blanc principalement importé de métropole est du sucre de betterave. Faisabilité économique du sucre Bio à la Martinique 148La production de sucre Bio par l’usine du Galion à la Martinique nécessite de modifier les principes de production de la canne, le procédé de fabrication du sucre et du rhum industriel, et de s’assurer d’un marché. Les techniques de production d’une canne à sucre Bio ont été clairement détaillées au chapitre 149La fabrication de sucre Bio implique de respecter totalement la réglementation en matière de production biologique. Les contraintes principales sont i de ne pas mélanger des produits Bio avec des produits non Bio, ii de rejeter l’usage de certains produits chimiques utilisés traditionnellement dans la production de sucre. 150Concernant le premier point, différents scénarios peuvent être proposés qui concernent aussi la production de rhum industriel. Production exclusive de sucre Bio 151Dans ce scénario, de loin le plus simple à mettre en œuvre, il faut s’assurer que toutes les cannes provenant à l’usine sont certifiées Bio ». Les contraintes sont alors essentiellement d’ordre technique dans la mesure où l’usine doit pouvoir produire du sucre en l’absence de certains produits et notamment des floculants chimiques contenant des polymères interdits en agriculture biologique. La clarification des jus est pourtant nécessaire pour enlever les impuretés qui pourraient interférer avec la cristallisation du sucre. En production biologique, seule la chaux est admise. Le processus de décantation est donc moins rapide et moins efficace, ce qui entraîne des coûts plus importants Buzzanell, 2000 ; Gudoshnikov, 2001. Par ailleurs, l’industriel doit pouvoir garantir à tout moment que tous les ingrédients proviennent de sources certifiées Bio » et que ces ingrédients ne rentrent pas en contact avec des ingrédients conventionnels, ce qui entraîne là encore un coût supplémentaire. Production mixte de sucre Bio et non Bio 152Ce scénario est le plus courant en production de sucre Bio, une même usine produisant à la fois du sucre Bio et du sucre conventionnel. Afin de simplifier la production, il est nécessaire de séparer dans le temps ou dans l’espace les deux procédés et de traiter le sucre Bio avant le sucre conventionnel, ou inversement. La production de sucre conventionnel avant le sucre Bio nécessite de nettoyer complètement l’usine entre les deux productions, ce qui arrête la production pendant quelques jours. Sur l’île Maurice, les deux systèmes ont été utilisés dans des usines différentes Deville, 1999. Le choix de l’un ou l’autre système peut fortement dépendre des variétés de cannes traités en Bio ou en conventionnel, sachant que les premières cannes traitées seront potentiellement moins riches en sucre que les dernières moindre maturation. Enfin, la production de sucre Bio en début de campagne peut entraîner des pertes en sucre dans la mesure où le jus extrait des dernières écumes de défécation sera mélangé à des jus conventionnels ». 153Ainsi, la décision de tout producteur de produire du sucre Bio implique un sérieux calcul coût-bénéfice Buzzanell, 2000 coût de la conversion des aires de production en production Bio pendant 3 ans ; coût réduit d’intrants dû à la non-utilisation d’intrants synthétiques ; coût de travail supplémentaire lié à la culture manuelle et aux travaux de récolte ; déclin des rendements dans une fourchette de 20 à 60 % dans les premières années mais qui peuvent réaugmenter par la suite Gudoshnikov, 2001 ; déclin dans l’efficacité du procédé 20 à 30 %, lié à l’interdiction de brûler les cannes lors de la récolte et à l’interdiction des floculants une source colombienne [Ingenio Providencia, 2000] indique que seulement 270 tonnes de canne par heure sont traitées en Bio contre 400 tonnes/heure en conventionnel ; coûts supplémentaires liés aux opérations de nettoyage entre le procédé Bio et le procédé conventionnel, et coûts supplémentaires relativement au nettoyage des outils pour maintenir l’intégrité du produit Bio dans le cas d’une production mixte de sucre Bio et non Bio. 154Malgré tout cela, la production Bio n’est pas seulement une question de coût ; il faut aussi tenir compte de la valeur sociale » relative à la protection de la qualité de l’environnement et à la production de produits sains. Marché du rhum Bio Production de rhum à la Martinique 155La production de rhum a fortement évolué à la Martinique au cours des 150 dernières années voir chapitre Au milieu du xixe siècle, la Martinique comptait 94 distilleries. Puis, avec la crise sanitaire du vignoble français à partir de 1852 avec l’oïdium et à partir de 1876 avec le phylloxera, et le besoin en alcool au cours de la Première Guerre mondiale, le nombre de distilleries a atteint le chiffre de 212 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Depuis cette époque et en raison principalement de la grave crise de 1970, le nombre de distilleries s’est effondré et on n’en compte plus que neuf actuellement à la Martinique produisant quinze marques différentes. 156La Martinique produit à la fois du rhum agricole à partir du jus de canne et du rhum industriel à partir de la mélasse, résidu de la fabrication du sucre. 157Depuis 1983, la production de rhum industriel par l’usine du Galion est relativement stabilisée entre 10 000 et 15 000 HAP hectolitres d’alcool pur figure Figure – Évolution de la production de rhum agricole et industriel à la Martinique depuis 1977en milliers HAP données CTCS. 158Depuis 1977, la production de rhum agricole varie entre 50 000 et 70 000 HAP ; on peut noter une remontée depuis 1998. Cette augmentation de production est principalement due à la mise en place en 1996 de l’appellation d’origine contrôlée AOC qui a permis de relancer les ventes, notamment vers l’export. 159En 2001, la commercialisation de rhum à la Martinique a été de 22 802 HAP, alors que l’exportation de rhum agricole atteignait 39 804 HAP, et celle de rhum industriel 12 714 HAP. C’est donc la presque totalité du rhum industriel qui est exporté, tandis qu’une moitié du rhum agricole produit est exporté, un tiers étant commercialisé localement. Intérêt économique de produire du rhum Bio 160L’acquisition du label AOC en 1996, après quinze ans de lutte acharnée, garantit l’origine du rhum et des critères de fabrication terroirs, parcelles cultivées, variétés de cannes, extraction du jus, procédés de fermentation, de distillation, de stockage et de vieillissement. Ce label a permis d’augmenter les ventes, surtout à l’exportation. 161Actuellement, les distillateurs, d’une façon générale, ne semblent pas être intéressés par un nouveau label Bio qui augmenterait les contraintes, déjà nombreuses, pour l’obtention du label AOC. Conclusions 162La demande mondiale en sucre biologique augmente rapidement 50 000 tonnes/an actuellement contre 20 000 tonnes il y a 5 ans. 163La production de sucre biologique implique des économies liées à la non-utilisation de fertilisants et de pesticides chimiques, mais aussi des rendements moins élevés qu’en culture conventionnelle. Pourtant, les prix de marché sont suffisamment rémunérateurs pour pallier le plus faible volume de canne par unité de surface. Filières et diversification à la Martinique leçons de 30 ans d’expérience3 3 Rédacteurs Christian Langlais et Yves Bertin. 164L’économie agricole de la Martinique au cours des temps a toujours été caractérisée par la prédominance d’une ou plusieurs cultures principales. Au sortir de la dernière guerre mondiale, cette île s’est résolument orientée vers une prépondérance très marquée de la banane, aux dépens de la canne à sucre. Actuellement, avec la création assez récente de l’Organisation commune des marchés de la banane OCM, on est en présence d’un engouement encore plus marqué pour cette culture. La quantité exportée pour l’année 1996 249 844 tonnes dépasse largement tous les records d’exportation des 25 années précédentes IEDOM, 1996. Cependant, cette progression constante n’a pas toujours été régulière et certaines phases de récession ont été mises à profit pour engager des programmes de diversification. 165En matière agricole, la diversification recouvre différents concepts elle intéresse les cultures, les débouchés pour une même culture, les systèmes de culture ou les systèmes d’exploitation. 166Dans le cas de la Martinique, la diversification peut être définie comme intimement dépendante des deux cultures pivots ; il s’agit donc essentiellement de diversification des cultures, sans pour cela oblitérer les possibilités de commercialisation sur le marché local ou les possibilités de transformation. 167On se propose dans la présente note d’analyser les exemples les plus marquants de diversification au cours des trente dernières années, que ce soit en matière d’arboriculture fruitière ou de maraîchage. On tentera d’en tirer tous les enseignements possibles et de préciser la place et le rôle de la recherche dans de telles opérations. La diversification fruitière 168La Martinique au cours des trente dernières années a connu trois opérations significatives de diversification fruitière conduisant à la mise en place de superficies conséquentes. Chacune de ces opérations mérite d’être examinée pour les enseignements qu’elle peut apporter et les discussions qu’elle peut susciter. Chronologiquement, on abordera donc successivement l’avocat, la lime, la goyave. L’avocat Historique 169L’avocatier en Martinique est apparu en culture commerciale au début des années 1960. Jusqu’alors, il s’agissait d’arbres isolés ou en micro-vergers, de race antillaise dans la majorité des cas, destinés exclusivement à la consommation locale. 170L’extension de la culture a connu quatre phases figure Une première phase d’introduction avant 1960 au cours de laquelle a été introduit un panel de variétés en provenance de Floride pour parvenir en 1960 à quelque 23 ha plantés. Un premier développement de la culture s’est effectué entre 1960 et 1963 avec la mise en place de cinq plantations commerciales pour une superficie globale de 70 hectares. La deuxième phase marque un ralentissement mis à profit pour résoudre certains problèmes techniques ou commerciaux. Pendant cette période de 1963 à 1967, il s’est planté 35 ha supplémentaires et une production de 506 t. était exportée en 1967 essentiellement, la variété Lula. À partir de cette date, un groupement professionnel, la SICAMA Société d’intérêt collectif agricole maraîchère et fruitière de la Martinique, a pris en main le développement de cette culture et a regroupé les agriculteurs à l’exportation. Ainsi de 1967 à 1984, la superficie plantée est-elle passée de 105 ha à 880 ha environ et la production exportée a atteint plus de 5000 t. en 1984. La dernière phase fut celle du déclin en 1987, il ne restait plus que 400 ha cultivés et les exportations tombaient au-dessous du seuil des 1500 t. Actuellement, il n’y a plus d’exportation et la quasi-totalité des vergers a disparu. Ce déclin rapide est la conséquence de la diminution rapide des cours mondiaux de l’avocat qui n’est plus considéré comme un produit exotique rare et saisonnier, mais comme un produit de grande consommation. Il doit être présent sur les marchés 12 mois sur 12. Figure – Évolution de la production d’avocat en Martinique Analyse du développement de la culture, contribution de la recherche 171Il n’y a pas eu de programme réel de développement pour l’avocatier mais une initiative de quelques personnes qui a suscité ensuite l’intérêt d’autres planteurs. Leur nombre n’a jamais dépassé une cinquantaine. 172La démarche qui a conduit les agriculteurs à se lancer dans cette culture d’exportation a consisté à occuper des terres marginales pour la banane ou redéployer des superficies abandonnées par la canne à sucre et profiter d’un réseau export existant. À l’époque, ces agriculteurs considéraient qu’un arbre par définition est une espèce rustique qui ne demande que peu d’entretien. En relation avec un ou deux précurseurs du commerce de l’avocat en France, ils introduisirent des variétés floridiennes et, dès les premières productions, constatèrent qu’une seule des variétés introduites Lula convenait au transport et à la commercialisation Bertin, 1971. 173Très vite, de nombreux problèmes sont apparus et, avec la constitution de la SICAMA, on a fait appel à un appui de la recherche. Ainsi, en 1969, l’IRFA Institut de recherche sur les fruits et les agrumes mettait à disposition de la SICAMA un ingénieur à mi-temps. Ce dernier était chargé de former les arboriculteurs, de résoudre leurs problèmes techniques et de mettre en place une série d’expérimentations destinées à améliorer les connaissances en matière d’avocat en climat tropical humide. Cette collaboration a duré près de dix ans et a permis d’acquérir bon nombre de résultats sur la taille Bertin, 1976, inconnue jusqu’alors, la nutrition, le contrôle phytosanitaire, la récolte et l’emballage mais aussi la transformation huile. 174Parallèlement, une assistance technique permanente était apportée aux agriculteurs sous forme de visites de plantation et d’un bulletin technique bimensuel. La planification des récoltes était également effectuée pour le groupement SICAMA et des voyages d’études ont été organisés aux États-Unis Floride, Californie et en Israël. Une pépinière gérée par le même agent IRFA pour le compte de SICAMA a permis de fournir les plants pour les nouvelles plantations. 175Dans le domaine plus fondamental, des études sur les fruits, le diagnostic foliaire, le bilan minéral ont été conduites et des prospections ont été effectuées au Guatemala pour tenter de trouver des variétés résistantes au phytophtora. 176L’ensemble de ces travaux, complétés par l’introduction de la variété Tonnage » plus performante que Lula, a permis de maîtriser correctement l’itinéraire technique de la plante dans les conditions martiniquaises Gaillard, 1987. Vers les années 1975-78, on a vu se constituer des vergers répondant à une véritable démarche d’arboriculteur terrains bien choisis, mécanisables, achat de matériels spécifiques, installation de station de conditionnement performant. Discussion et enseignements à tirer 177Cette première expérience de diversification à la Martinique a été qualifiée de courageuse » par certains. Elle aura duré près de vingt ans, et a occasionné parfois une rémunération substantielle. Comment peut-on expliquer le déclin brutal de cette culture ? Était-il prévisible ? Existait-il des solutions pour sauvegarder cette production ? 178Dans le cas du développement de l’avocat, l’élément majeur a été la méconnaissance totale de cette culture qui en était encore à ses balbutiements dans les pays les plus avancés. Dans les zones tropicales, très peu de références étaient disponibles. Les recherches adaptatives n’ont fait qu’accompagner le développement de la culture avec toutes les approximations que cela comportait. 179Ce handicap technique, aggravé par un manque de formation ou de tradition arboricole, a conduit à des erreurs plus ou moins graves en particulier, sur la qualité des fruits exportés. Cela a entraîné une assez mauvaise réputation de l’origine Martinique, comparée à des provenances méditerranéennes où il est beaucoup plus facile d’atteindre un bon niveau de qualité. 180Les circuits commerciaux empruntés n’ont pas posé de réels problèmes car il n’y avait pas, du moins au début, de nombreux spécialistes en fruits tropicaux. L’erreur a peut-être été de ne pas évoluer, comme d’autres pays, vers une structure de vente pouvant traiter directement avec la grande distribution lorsque celle-ci s’est développée. Les statistiques montrent la marginalisation progressive de la part de marché Martinique » par rapport à ses principaux concurrents Israël, Afrique du Sud, Espagne. Une tentative de sauvetage de la production a été mise en place en 1986 par un financement de l’ODEADOM Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer pour un montant de 400 KF. Cette aide n’a pas suffi à enrayer le déclin de cette culture. Il faut signaler que la progression fulgurante de l’Espagne, pays de la communauté et de surcroît très proche des marchés de grande consommation, a été décisive. La préférence communautaire ne pouvait jouer et la Martinique se trouvait donc en concurrence directe avec un pays ayant tous les atouts. 181Concernant la période de commercialisation Bertin et al., 1972, la Martinique avait misé sur la précocité des variétés Lula et Tonnage. En fait, la commercialisation de ces variétés entre juillet et septembre était trop précoce pour obtenir des fruits de bonne qualité. C’est seulement à partir de fin septembre que la qualité du fruit commence à se manifester, c’est-à -dire au moment des premiers arrivages d’Israël. 182Cet ensemble de considérations permet de suggérer les réponses aux questions posées La culture tropicale de l’avocat soumise à des difficultés climatiques cyclones, à la pression phytosanitaire, également handicapée par des approximations techniques, n’a pu se maintenir à la Martinique devant une concurrence internationale déterminante dans ce déclin. La concurrence de l’Espagne était prévisible mais n’a peut-être pas été suffisamment prise au sérieux. Pour sauvegarder en partie cette production, il aurait probablement fallu une vision plus prospective du marché et essayer de reconvertir cette production sur un créneau de fruits de race antillaise, exportés par avion pour des consommateurs avertis. Cela n’aurait duré qu’un temps, car un autre pays tropical, probablement ACP Afrique Caraïbe Pacifique, aurait rapidement saisi l’opportunité. La commercialisation de l’origine Martinique sur les mêmes marchés que les autres origines lui aura été fatale. On constate que l’avocat Martinique sans aide financière spécifique n’était pas viable à long terme. La lime de Tahiti Historique 183Le citron Gallet ou lime antillaise a toujours été cultivé dans les jardins familiaux. Ses utilisations sont multiples dans la cuisine locale en particulier pour le poisson et pour aromatiser le punch ». Comme pour l’avocatier, on peut également analyser le développement de la lime en plusieurs phases figure Entre 1965 et 1975, les premières initiatives de culture de la lime se focalisent sur la lime antillaise ou encore lime mexicaine. Une vingtaine d’hectares est plantée pour un écoulement à destination du marché local mais également pour quelques exportations. Dans le courant des années 1970, la SICAMA innove en mettant au point un emballage sous film rétractable qui est apprécié par les importateurs. Cependant, la lime antillaise présente certains inconvénients qui rendent sa culture difficile le fruit est petit et cher à récolter, de surcroît la plante est épineuse. Enfin, cette variété est très sensible à l’anthracnose Gleosporium limetticolum et les fruits sont souvent marqués de points liégeux qui déprécient leur qualité. Entre 1975 et 1978, forts de quelques essais effectués avec la lime Bearss sans épine, les agriculteurs commencent à s’intéresser à cette lime sans pépin. Après une sélection sanitaire, l’IRFA, propose la lime de Tahiti SRA 58 et les premiers essais sont mis en place sur la Station IRFA de Rivière Lézarde. Les résultats agronomiques et les perspectives commerciales de cette espèce étant très encourageants, la SICAMA lance auprès de ses adhérents un véritable plan de développement de la lime de Tahiti. Les pouvoirs publics participent au financement des plantations et les superficies se développent rapidement entre 1979 et 1981, il se plante près de 400 ha de lime de Tahiti et entre 1979 et 1984 les exportations atteignent très rapidement 1126 T. La dernière phase de 1985 à 1996 est celle de la régression de la culture et de l’abandon de l’exportation. Ainsi les quantités exportées diminuent-elles très vite pour passer en dessous de la barre des 100 t. en 1991 et sont désormais réduites à zéro depuis 1994. Les superficies cultivées en limettiers n’étaient plus en 1995 que de 70 ha. Figure – Évolution de la production de lime en Martinique Analyse du programme de développement, contribution de la recherche 184Contrairement à l’avocatier, le développement de la culture de la lime s’est appuyé sur un programme réel de développement proposé par la profession SICAMA et aidé par les pouvoirs publics subvention à la plantation, aide au conditionnement à l’exportation. 185Le programme visait à conquérir sur l’Europe une part de 10 % du marché du citron jaune traditionnel au profit de la lime. La production devait atteindre 10 000 t. pour une superficie cultivée de 500 ha. Les importateurs traditionnels circuit bananes avocats pensaient que l’objectif était ambitieux mais réalisable. 186Les problèmes qui sont apparus étaient de deux ordres techniques et commerciaux. Les problèmes techniques 187Comme pour l’avocat, peu de recherches spécifiques dans les conditions antillaises avaient été effectuées. Il a fallu former les agriculteurs à la conduite des agrumes et particulièrement sur les opérations les plus délicates, telles que la taille ou le contrôle des ravageurs. 188Dans le domaine phytosanitaire, les agriculteurs ont été très vite confrontés à des pullulations d’acariens Polyphagotarsonemus latus Bank et à des attaques de larves de hannetons Diaprepes abreviatus qui ont causé des ravages importants avant d’être maîtrisées. 189En matière de conditionnement et de conservation des fruits, il a fallu également mettre au point des emballages, définir des stades de récolte et éviter les problèmes d’oléocellose en évitant de récolter par temps pluvieux ; la coloration et le point de coupe ont également été des éléments déterminants pour la commercialisation. Tous ces problèmes ont été résolus progressivement mais ont été source de pertes financières pour certains agriculteurs Bertin et al., [1980]. Les problèmes commerciaux 190La lime de Tahiti ne représentant sur les marchés européens qu’un produit très secondaire et pratiquement inconnu des consommateurs, il était assez difficile d’avoir des prospectives de marché sérieuses. 191La production antillaise augmentant très rapidement, les cours se sont effondrés au-delà de la limite de rentabilité entraînant très rapidement le déclin de la culture. La qualité du produit souvent inégale n’a pas amélioré l’image de marque de la Martinique. 192Cependant, un créneau, beaucoup moins important que celui prévu, a été ouvert et d’autres origines sont venues concurrencer le citron vert antillais ». Cela a été particulièrement le cas du Brésil ou du Mexique qui pouvaient proposer une qualité irréprochable en n’exportant que la partie la plus marchande, le reste étant aisément écoulé sur le marché local. Le rôle mené par la recherche 193Dans ce contexte, la recherche agronomique menée par l’IRFA a été très sollicitée Contrairement à l’avocat, quelques références locales avaient été acquises puisqu’une parcelle expérimentale de 1 ha avait été mise en place en 1977, permettant de tester la variété dans les conditions locales. Par ailleurs, le savoir-faire agrumes de l’Institut pouvait assez facilement être adapté en Martinique. Les problèmes de fond, porte-greffes, virus, étaient déjà bien connus, ce qui permettait d’espérer des résultats satisfaisants. La multiplication du matériel végétal comme pour l’avocat a été menée par l’IRFA pour le compte de la SICAMA. Ainsi la pépinière de Rivière Lézarde a-t-elle multiplié quelque 80 000 plants pour les agriculteurs. Des études complètes ont été menées sur les Tarsonèmes et le Diaprepes en relation avec des entomologistes de l’INRA qui permirent de maîtriser ce problème. Des formations d’agriculteurs mais aussi de leurs employés ont été dispensées au cours des phases de mise en plantation puis de production. 194En conclusion, l’échec du développement de la lime de Tahiti nous apparaît exemplaire pour l’étude de la diversification des cultures car il pose de nombreuses questions Doit-on engager un programme sans mener des études économiques prospectives très poussées ? Peut-on réellement envisager une culture de diversification sans perspective d’écoulement local ou de transformation assurée ? Les financements publics type subvention de plantation ou aides au conditionnement peuvent-ils être mobilisés sans que les études économiques susmentionnées ne soient lancées ? 195Après coup, il est bien sûr plus simple de poser ces questions qui doivent cependant permettre d’engager une réflexion et de dégager des enseignements pour de futures opérations. La goyave Historique 196Le programme de développement de la goyave à la Martinique est beaucoup plus récent puisqu’il date de 1990. En fait, la production de goyave pour la transformation est assez ancienne puisqu’elle a démarré dans la fin des années 1960. Comme précédemment, on peut distinguer plusieurs périodes figure 197• 1968 à 1982 198Deux unités de transformation de Martinique, orientées principalement sur la conserve d’ananas, s’engagent dans la diversification de leurs produits jus de fruits tropicaux, nectars, confitures, pâtes de fruits. La goyave montre un développement commercial encourageant et les industriels, qui jusqu’alors s’approvisionnaient sur des fruits sauvages ramassés par des fournisseurs irréguliers, envisagent de s’approvisionner à partir de véritables cultures. 199L’usine DENEL plante des goyaves non sélectionnées sur des superficies de l’ordre de 20 ha et la SOCOMOR engage les producteurs à planter également ce fruit. 200Les premières variétés sélectionnées, Red Suprême Ruby de la collection IRFA et Centeno Prolific en provenance de Trinidad, sont plantées pour constituer un verger de l’ordre de 30 ha. 201• 1982 à 1990 202La SOCOMOR manquant de produit engage son principal adhérent à planter de nouvelles superficies. Ainsi 13 ha sont-ils à nouveau plantés. Pour réaliser ces plantations une étude de l’aptitude à la transformation est effectuée avec l’IRFA afin de multiplier des variétés à haut rendement et convenant bien à la transformation pectines, acidité. 203Malgré ces nouvelles plantations, les industriels sont obligés d’importer de l’étranger pour satisfaire les besoins du marché en jus. 204• 1990 à 1997 205Une demande d’aide est faite à l’Office de développement de l’agriculture des départements d’outre-mer ODEADOM. Le CIRAD/IRFA est chargé de réaliser une étude définissant les objectifs et modalités d’un plan de développement de la goyave pour la transformation Bertin et Picasso, 1990. 206Les industriels affichant un besoin global de 1800 t. à terme et les quantités disponibles étant de 600 tonnes, il est convenu de mettre en place un programme de plantation de 60 ha permettant de produire à terme 1900 tonnes de fruits. 207Sur les 60 ha prévus par le programme plus de 50 ha ont été mis en culture entre 1993 et la fin 1996, et l’objectif était pratiquement atteint en 1997. 208La production commence à s’établir alors que les importations de pulpe sont encore effectuées pour un tiers de la production. Figure – Évolution des surfaces en goyavier en Martinique Analyse du programme et contribution de la recherche 209Le programme de développement de la goyave présente par rapport aux cas précédents l’intérêt d’avoir été mis en place après une étude agroéconomique préalable. 210Les objectifs de production restent compatibles avec la taille du marché visé par les industriels locaux. 211Le programme s’accompagne d’aides à la plantation mais fait aussi l’objet d’une structuration du milieu professionnel et d’une assistance technique spécifique. 212Dans ce contexte, le CIRAD/FLHOR est intervenu ou intervient sur plusieurs points Une sélection des variétés a été proposée. Un cahier des charges pour la réalisation des plantations a été proposé. La formation du technicien affecté au programme s’est également effectuée au CIRAD/FLHOR. Le CIRAD/FLHOR participe à un comité de pilotage et de suivi qui réceptionne les vergers subventionnés par l’ODEADOM. 213Cette forte implication dans le programme permet également d’avoir un suivi technique très rapproché de l’opération et d’orienter les recherches sur les facteurs susceptibles de limiter les performances de la culture taille, récolte, orientation de la production, nouvelles variétés, apparition de nouveaux ravageurs ou de nouvelles maladies. 214En définitive, cette relation étroite entre les producteurs et la recherche permet de mener ce programme en corrigeant les erreurs observées et a incontestablement une certaine efficacité. On peut, pour le moment, constater une assez bonne réussite de cette opération qui, cependant, montre une certaine fragilité. Les raisons en sont les suivantes Le groupement de producteurs créé est présidé et animé par le directeur de l’usine de transformation, ce qui ne va pas forcement dans le sens de l’intérêt des agriculteurs. Parmi les adhérents, on relève quelques échecs consécutifs, le plus souvent, à une marginalisation trop grande de la goyave par rapport aux autres cultures. L’appui technique dispensé par un technicien pendant trois ans n’est plus assuré. Le suivi des parcelles semble être moins bien réalisé alors qu’il serait important de l’améliorer au moment des premières productions. Le cahier des charges concernant la qualité des fruits livrés à la transformation et les horaires de livraison imposés ne conviennent pas toujours aux agriculteurs. Discussion et enseignements à tirer 215L’opération de développement de la goyave semble pour le moment tout à fait viable et il est intéressant d’en expliquer les raisons L’opération ne portant que sur 60 ha de culture reste à la dimension du marché antillais et du peu d’exportation qui s’ensuit. L’étude agroéconomique préalable a permis de cerner les prix de culture et de fixer un prix rémunérateur pour les agriculteurs tout en conservant les intérêts des transformateurs. Les mesures d’accompagnement du programme sont particulièrement intéressantes structuration des professionnels, assistance technique et comité de suivi permettent de corriger les erreurs de conception du programme et d’avoir une bonne relation recherche-développement. L’opération est bâtie sur un produit transformé à plus grande valeur ajoutée qu’un produit frais. L’incidence du coût de transport à l’exportation est proportionnellement moins importante. Le produit transformé se conserve et permet de réguler le marché. L’incidence de la concurrence des pulpes de goyaves étrangères est moins importante même si les coûts à l’importation sont inférieurs à la production locale. En effet, le produit importé doit subir une pasteurisation supplémentaire, ce qui lui conférera une qualité inférieure à la production locale. 216L’opération goyave » de la Martinique se distingue des opérations précédentes par l’ensemble des caractères cités précédemment et devrait pouvoir se dérouler avec succès car l’ensemble des facteurs qui conditionnent la filière ont été pris en compte. Il nous semble que cet exemple, s’il aboutit, pourra être répété sur d’autres productions envisageables dans les conditions antillaises. La diversification maraîchère 217Deux exemples de diversification basée sur les productions maraîchères seront présentés l’aubergine et le melon dont le développement est encore en cours. L’aubergine Historique 218Le graphique de la figure présente l’évolution des productions d’aubergine à la Martinique. 219L’aubergine est traditionnellement peu consommée à la Martinique seules quelques variétés locales à épiderme blanc sont cultivées et utilisées en très petites quantités. La culture de l’aubergine pour l’exportation est apparue en 1965-66 il s’agissait d’exploiter le créneau de contre-saison en métropole de décembre à avril, où les prix sont élevés. 220L’extension de la culture a connu quatre phases 221- Démarrage. 222Avant 1966 quelques tonnes sont exportées chaque année. En 1967-68, un agriculteur installe 12 ha d’aubergine et exporte près de 700 tonnes. Devant son succès, l’engouement est immédiat 59 ha sont installés en 1968-69 et 175 ha en 1969-70. L’ensemble de la production est commercialisé par la SICAMA, société créée en 1966. 223La SICAMA assure aussi la production des plants d’aubergine en gérant une pépinière Daly et al., 1977. 224- Stabilisation haute. 225En 1969-70, les cours sont restés bas du fait de la concurrence internationale Israël, Maroc. De plus, les problèmes phytosanitaires et en particulier les pertes dues au flétrissement bactérien sont importants. L’année suivante 1970/71, seulement 95 ha sont plantés. La mise à disposition par l’IRAT de la variété Madinina fortement tolérante au flétrissement bactérien en 1972, ainsi que des prix à l’exportation à peu près stables, permettent aux surfaces plantées d’augmenter puis de se stabiliser autour de 150 ha sur la période 1972/73 à 1974/75 Daly, 1986. 226- Stabilisation basse. 227La concurrence internationale augmente Espagne, Maroc, Israël et les prix baissent. 228Seuls les producteurs les plus concurrentiels continuent à produire grâce à deux facteurs Organisation la SICAMA et la SICAF Guadeloupe s’organisent pour réguler les apports sur le marché métropolitain ; une caisse de péréquation est créée. Technique la mise sur le marché, par l’INRA et l’IRAT, en 1976, de la variété Kalenda, résistante à l’anthracnose, permet d’améliorer la qualité des produits qui arrivent sur le marché Daly, 1986. 229Les surfaces en culture se stabilisent autour de 60 hectares pour la période 1976-80. 230• Le déclin 231À partir de 1980, les problèmes phytosanitaires se multiplient les pertes liées à Pseudomonas solanacearum et à Fusarium solani augmentent, conséquences de la monoculture Messiaen, 1983. 232Parallèlement, la pression de la concurrence internationale s’intensifie, en particulier suite à l’entrée en force de l’Espagne sur le marché français. 233Les surfaces diminuent jusqu’à une dizaine d’hectares en 1985, quand un nouveau ravageur apparaît en 1985 le Thrips palmi, qui rend les fruits invendables. Ce dernier événement met fin à cette expérience de diversification. Figure – Évolution de la production d’aubergine en Martinique Analyse du développement de la culture, contribution de la recherche 234L’initiative de cette action est le fait de quelques agriculteurs, suscitant ensuite l’intérêt d’autres planteurs. L’action, tout au moins au départ, n’a donc pas été planifiée. En revanche, la profession s’est assez rapidement structurée au sein de la SICAMA et, après une période de concurrence, les producteurs de la Martinique et de la Guadeloupe se sont entendus pour régulariser les mises en marché. 235Techniquement, les problèmes furent de deux ordres La période de commercialisation favorable, de décembre à mai, correspond à la saison de faible pluviométrie en Martinique. Les déficits hydriques sont fréquents et pénalisent la production. Seules se sont maintenues les exploitations qui disposaient d’une ressource en eau cours d’eau ou borne dans un périmètre d’irrigation. La pression phytosanitaire a été intense et la pratique de la monoculture conçue selon le modèle bananier par la plupart des exploitants a intensifié ce problème. 236La recherche a été présente dès le début de l’action, mais n’a pas précédé le développement de la culture. Dès 1967, l’IRAT évalue une collection de variétés pour la résistance au P. solanacearum, agent causal du flétrissement bactérien. Devant l’absence de variété à la fois tolérante à P. solanacearum et adaptée au marché d’exportation, un programme de sélection est mis en place et la variété Madinina est disponible dès 1972. Puis, en 1976, la collaboration INRA-IRAT met à disposition des agriculteurs la variété Kalenda Daly, 1986. Les semences sont alors multipliées par la recherche. Des itinéraires techniques sont mis au point techniques de pépinière, densité, protection phytosanitaire, fertilisation et proposés aux agriculteurs. 237Parallèlement, une assistance technique permanente était apportée aux agriculteurs sous forme de visites de plantation et, en Guadeloupe, par la mise à disposition d’un ingénieur auprès de l’association des producteurs. Discussion et enseignements à tirer 238Cette expérience de diversification aura duré 18 ans de 1967 à 1985. Pour quelles raisons cette expérience a-t-elle été arrêtée ? Pouvait-on la prolonger ? 239Dans le cas du développement de l’aubergine, l’éloignement des marchés a été compensé en bénéficiant des circuits commerciaux de la banane jusqu’à l’arrivée sur le marché de l’Espagne. Les handicaps naturels et les approximations techniques n’ont pas permis de maintenir la culture soumise à une concurrence internationale qui est la principale raison de l’abandon de cette culture. La concurrence de l’Espagne était prévisible, mais la lutte était inégale en technicité, en recherche, en logistique. 240Pour autant, on ne peut pas considérer que l’expérience fut un échec. L’initiative des producteurs martiniquais a permis de créer un marché inexistant. La concurrence de pays ayant des avantages certains main-d’œuvre à bon marché ou proximité des marchés était inévitable. Une meilleure gestion technique irrigation, rotations, production de plants en substrat désinfecté, mise à disposition d’une variété résistante au P. solanacearum et à l’anthracnose, intensification rapide des recherches sur le Thrips palmi aurait peut-être pu retarder l’échéance mais non l’éliminer. Il aurait peut-être fallu prendre conscience de la fin probable de l’expérience et profiter des structures mises en place pour préparer une reconversion. Le melon Historique 241Le graphique de la figure présente l’évolution des productions de melon à la Martinique Avant 1975, le melon est cultivé en Martinique en culture pluviale pour une consommation locale d’été juillet à septembre. Les surfaces n’excèdent pas une vingtaine d’hectares. En 1975, la variété Chilton est diffusée sur le marché local, par l’IRAT Daly, 1991. Il s’agit d’une variété de type brodé Cantaloup américain, bien adaptée aux conditions locales, puisqu’elle résiste à l’éclatement, à l’oïdium Erysiphe cichoracearum, au mildiou Pseudoperonospora cubense et à Mycospherella melonis Anaïs et Kaan, 1978. La mise à disposition de cette variété rustique et la disponibilité de l’irrigation sur le périmètre du Sud-Est permettent à quelques agriculteurs de se lancer dans une culture d’exportation pour le marché métropolitain de contre-saison janvier-mai. Malheureusement, la variété Chilton ne correspond pas au goût des consommateurs qui sont habitués au goût Cantaloup charentais et les quantités exportées ne dépasseront pas 35 tonnes De Bon et al., 1990. En revanche, le marché local absorbait sans difficulté les 700 à 1000 tonnes de production annuelle. En 1985, des sociétés de production de melon du sud de la métropole décidèrent de s’installer à la Guadeloupe puis un an plus tard à la Martinique. Il s’agissait pour ces sociétés d’étendre leur période de commercialisation en occupant le créneau de contre-saison et par là de fidéliser leur clientèle. Des expériences décevantes en Afrique Sénégal et les possibilités de défiscalisation dans les DOM ont fait pencher la balance en faveur des Antilles. 242Ces sociétés ont tout de suite adopté la variété Alpha qui correspondait au standard Cantaloup charentais, même si cette variété est plus fragile que Chilton. Sur les conseils de l’IRAT Daly, ces sociétés se sont installées dans le sud de l’île zone plus propice au melon pour des raisons sanitaires peu de nématodes, peu d’insectes vecteurs de viroses, sols chimiquement équilibrés. 243En 1992, les surfaces atteignent 170 hectares pour une production de 2300 tonnes dont 1700 sont exportées 77 % de la production. 244À partir de 1993, les exportations ont tendance à stagner mais le marché local prend la relève et la production atteint près de 3000 tonnes en 1995 dont 50 % seulement seront exportées. Les prix sont moins rémunérateurs du fait de la concurrence de pays d’Amérique du Sud, du Maroc et de l’Espagne qui proposent un produit différent moins parfumé et plus sucré un melon de longue conservation qui peut être exporté par bateau et camion. Ce nouveau produit s’adapte bien aux exigences de la distribution en grandes surfaces le melon de contre-saison est banalisé et n’est plus considéré comme un produit de luxe. Figure – Évolution de la production de melon en Martinique Analyse du développement de la culture, contribution de la recherche 245L’initiative provient d’une démarche commerciale des sociétés, spécialisées dans la commercialisation de fruits et légumes, s’installent aux Antilles pour étendre leur période de commercialisation. La demande est bien définie en termes de qualité du produit à exporter et de calendrier d’expédition La qualité il s’agit de melon type Cantaloup charentais et la variété Alpha bien connue en métropole est choisie. Cette variété s’adapte bien au climat tropical en saison sèche, mais est plus sensible que les variétés Cantaloup américain à l’éclatement ainsi qu’aux maladies. Ces contraintes sont minimisées dans la zone la plus sèche de l’île, le sud-est, qui bénéficie d’un réseau d’irrigation mis en place en 1979. Le calendrier il est géré par la demande commerciale qui communique les quantités à exporter semaine par semaine. La production est expédiée par avion, car le melon Alpha ne se conserve pas au-delà de quelques jours. Cela oblige à une rigueur accrue au niveau des rythmes de production et n’est possible que grâce à la présence d’un réseau de transport aérien régulier et dense. 246Quelques petits producteurs locaux ont été associés par le biais de contrats à ces sociétés de production. Ils ont pu bénéficier de transfert de technologie et des réseaux commerciaux en place. Toutefois, ce type d’association est en perte de vitesse avec la chute des prix à l’exportation. 247Les caractéristiques de cette production sont donc les suivantes une bonne technicité melonnière de producteurs spécialisés depuis longtemps en métropole ; une intégration de la filière de la production à la commercialisation qui assure une mise en marché optimale ; une association avec de petits producteurs locaux qui a permis un certain transfert de savoir-faire. 248En voici les évolutions possibles pour les années à venir Il ne sera pas possible de concurrencer les pays exportateurs de melon longue conservation dans les DOM. Certains gros producteurs des DOM ont d’ailleurs commencé à délocaliser leur production à Saint-Domingue Champion, 1995. L’exportation ne se maintiendra à un niveau attrayant quantité et prix que si la qualité Antilles » est reconnue cela nécessite une labellisation et des actions de marketing. L’absence d’entente entre les principaux producteurs empêche toute initiative en ce sens. Le marché local reste porteur 1500 à 2000 tonnes peuvent être écoulées chaque année à des prix équivalents à ceux de l’exportation au départ de Martinique. 249Les problèmes techniques ont, dans l’ensemble, été assez bien maîtrisés par des producteurs qui avaient une longue expérience de la culture de melon et les moyens de s’équiper. Toutefois, la pression phytosanitaire a été intense dès que les surfaces ont été significatives, et ce d’autant que l’absence de rotation était la règle. La mauvaise connaissance de ces ravageurs tropicaux a souvent abouti à l’utilisation intense et irraisonnée de pesticides essentiellement fongicides et insecticides ainsi, on a vu apparaître Thrips palmi, puis les mouches mineuses Lyriomiza sativae, puis l’aleurode Bemisia tabaci et dernièrement les pucerons Aphis gossypii. 250Les recherches sur le melon aux Antilles IRAT et INRA ont commencé dès le début des années 1960 par le choix variétal, puis les différents éléments de l’itinéraire technique ont été étudiés. Une sélection a été entreprise pour fournir des variétés bien adaptées aux conditions pédoclimatiques et parasitaires cette sélection s’est orientée vers des melons de type Cantaloup américain bien adaptés aux contraintes locales et bien acceptés sur le marché local mais pas à l’exportation. L’IRAT a aussi suivi les expériences d’exportation de ce melon dans les années 1977-78. 251Quand la culture d’exportation s’est développée à partir de 1986 avec la variété Alpha, les recherches ont été orientées sur le contrôle des insectes et l’assistance technique aux producteurs s’est souvent limitée à ce domaine Desnoyes et al., 1986. Discussion et enseignements à tirer 252Cette expérience de diversification dure maintenant depuis onze ans. Son originalité réside dans le fait qu’elle a été initiée et exécutée par une structure commerciale extérieure à la Martinique qui a cherché à exploiter une rente de situation climat favorable et réseau de transport aérien dense. 253Voici les raisons du succès de cette opération La bonne connaissance du marché visé, la définition précise du produit en termes de qualité et de quantité, et la planification qui en découle, tout cela grâce à la forte intégration commercialisation-production. La nécessité d’un réseau de transport aérien dense, ce qui limite la concurrence venant d’autres pays. La bonne technicité des exploitants, même si les spécificités tropicales, en particulier du point de vue phytosanitaire, ne sont qu’imparfaitement maîtrisées. Les investissements qui ont été réalisés dès le départ pépinières, mécanisation, irrigation goutte à goutte, hangar de conditionnement. Une consommation locale qui s’est développée et peut absorber une grande part des excédents. Les limites en sont Une intégration faible dans le tissu socio-économique martiniquais cela fragilise l’opération, si les conditions deviennent défavorables défiscalisation moins favorable par exemple, les opérateurs chercheront des opportunités ailleurs c’est déjà le cas avec la délocalisation d’une partie des activités à Saint-Domingue. Une exploitation de type minier où la durabilité du système de culture n’est pas une préoccupation Bonneton, 1993. Analyse comparative des différentes expériences 254Cette analyse portera sur les cinq expériences décrites et sera étoffée par des données des filières légumes tomate, laitue, concombre, igname, fruit à pain.... Les différents types de diversification 255Comme on a pu le constater, les expériences de diversification sont nombreuses et visent des marchés variés. L’avocat, la lime et l’aubergine s’adressent essentiellement aux marchés d’exportation. La goyave et les légumes s’adressent au marché intérieur. Le melon et les fleurs peuvent indifféremment s’écouler sur les deux types de marché. 256Ces expériences de diversification sont aussi variées selon le type de produit mis en marché des produits bruts pour l’avocat, la lime, l’aubergine, les fleurs, le melon et les légumes ou des produits transformés pour la goyave et les légumes légumes précuits et congelés pour le marché local. 257Il ne faut donc pas restreindre la diversification aux seuls marchés à l’exportation, mais bien prendre en compte aussi les débouchés offerts par le marché local. 258Certaines de ces filières s’adressent aux deux marchés, ce qui permet d’amortir les variations des prix mondiaux mais aussi d’assurer l’approvisionnement permanent des marchés pour l’exportation même en cas de problème climatique ou phytosanitaire. Les contraintes de la Martinique pour la diversification Europe tropicale des coûts de production élevés 259Du fait de l’éloignement des marchés d’approvisionnement, tous les intrants sont plus chers qu’en métropole 10 à 30 % de plus. En outre, l’exportation des produits finis doit aussi supporter le coût supplémentaire du transport. Ces coûts supplémentaires sont particulièrement pénalisants pour les productions entrant en compétition avec des pays méditerranéens Espagne, Maroc, Israël tels l’avocat et l’aubergine. À l’opposé, la production de produits frais pour le marché local bénéficie d’une certaine protection puisque les importations auront à subir le coût du transport ; cela est surtout valable pour les produits se transportant par avion tels que les légumes frais. 260Pour les produits transformés, les problèmes sont de même nature mais l’incidence du transport est moindre car, dans la plupart des cas, il s’agit de transport sans chaîne de froid. La valeur ajoutée par la transformation réduit aussi l’incidence du prix du fret. Néanmoins, la concurrence internationale avec les pays moins développés reste un sérieux handicap. 261Le statut européen des DOM fait que la main-d’œuvre est beaucoup plus chère que dans les pays tropicaux environ sept fois plus chère que dans les îles de la Caraïbe voisines. Or, ces pays, ayant les mêmes avantages climatiques, sont ou peuvent être des concurrents directs. Ce facteur a été très limitant pour la lime et risque de l’être pour le melon des tentatives de délocalisation sont en cours sur d’autres îles de la Caraïbe. Insularité 262La Martinique est une île, d’origine volcanique, de 1100 km2 de surface, au relief très accidenté et ne comportant que 34 393 hectares cultivés en 1994, soit 31 % de sa superficie Lasserre, 1977. 263Le marché local est restreint 360 000 habitants, il ne peut donc y avoir de complémentarité entre marché à l’exportation et marché local pour des produits comme l’avocat, la lime ou l’aubergine. 264Il faut toutefois nuancer cette assertion, puisque des produits comme le melon et les fleurs sont présents sur les deux marchés. 265Enfin, on observe souvent ce que l’on peut appeler un comportement insulaire des acteurs des filières de diversification. Les cultures de diversification sont souvent à l’initiative de quelques individus. La production est souvent insuffisante pour justifier une structuration du milieu professionnel Neveu, 1988. Les agriculteurs sont ainsi amenés à agir en ordre dispersé, ils défendent mal leurs intérêts, ils sont peu aidés par les organismes de développement et les administrations. Bien souvent, ce phénomène est aggravé par une démarche spéculative des agriculteurs ou des revendeurs qui proposent leurs produits à des prix très élevés, ce qui réduit fortement les possibilités d’écoulement de grandes quantités et favorise l’importation des mêmes produits à meilleur prix Neveu, 1988. Les atouts de la Martinique pour la diversification Climat 266Le climat de type tropical humide est caractérisé par des pluviométries annuelles comprises entre 1679 mm pour les zones les plus sèches et 4645 mm/an pour les plus humides. Les températures varient assez peu de 14 à 34 °C pour les extrêmes et les moyennes de 23 à 27 °C selon les endroits Lasserre, 1977. La période sèche plus fraîche est presque inexistante sur les reliefs et bien marquée en plaine. Elle dure environ quatre mois de février à mai. La saison humide est particulièrement sensible de septembre à novembre, période où des cyclones parfois dévastateurs peuvent ravager l’île. Ces conditions climatiques sont favorables aux cultures traditionnelles telles que la canne à sucre ou les cultures vivrières ; elles sont également favorables à la banane et à quelques fruits tropicaux si l’on fait abstraction du risque cyclonique et si des apports complémentaires d’irrigation sont apportés dans certaines zones. Pour bon nombre de cultures maraîchères, les possibilités de culture en plein champ sont limitées à quelques mois dans l’année. Le climat humide et la forte pression phytosanitaire compromettent souvent les résultats en plein champ. En revanche, la saison sèche permet de produire en contre-saison de la production européenne c’est l’avantage exploité en priorité pour l’exportation par les filières aubergine et melon. 267Par ailleurs, ce climat attire les touristes, ce qui peut augmenter la demande locale de façon importante c’est le cas pour le melon. L’appartenance à l’Union européenne 268La Martinique fait partie des régions ultra périphériques de l’Europe en retard de développement. À ce titre, la Martinique bénéficie d’aides financières diverses qui visent à compenser les handicaps qui viennent d’être énoncés. De 1989 à 1999, la région a reçu 3 milliards de francs d’aides européennes. En particulier, de nombreux investissements agricoles sont subventionnés serres, irrigation, plantations.... Toutes les productions actuelles goyave, légumes et fleurs peuvent bénéficier de ces subventions. 269Dans ce même cadre européen, les cultures traditionnelles d’exportation banane, canne et ananas bénéficient pour le moment d’une organisation spécifique du marché qui garantit un prix minimal à la production ; cette organisation spécifique du marché n’existe pas pour les cultures de diversification. Des échanges commerciaux importants avec la métropole 270Les relations commerciales étroites entre les DOM et la métropole ont permis la mise en place d’une organisation importante des échanges. Les liaisons aériennes sont nombreuses et les liaisons maritimes pour l’exportation de la banane sont régulières cela a facilité l’exportation de certains produits. Ainsi, l’aubergine, l’avocat et la lime ont bénéficié de l’organisation commerciale de la filière banane, et le melon et la fleur profitent du réseau aérien dense pour écouler leurs produits. Les chaînes de froid performantes sont aussi un atout. 271Pour les produits transformés, les problèmes sont de même nature mais l’incidence du transport est moindre car, dans la plupart des cas, il s’agit de transport sans chaîne de froid. La valeur ajoutée par la transformation réduit aussi l’incidence du prix du fret. Néanmoins, la concurrence internationale avec les pays moins développés reste un sérieux handicap en dehors de produits de qualité sur des niches de marché. 272Enfin, la filière banane est à l’origine du développement d’une logistique importante circuits commerciaux, transports, contacts... qui peut être utilisée par les filières de diversification. 273Toutefois, si le savoir-faire acquis pour l’exportation des bananes était une force au départ, sa transposition intégrale a posé de nombreux problèmes car les autres circuits commerciaux n’ont pas été correctement exploités et il n’y a pas eu d’approche globale des problèmes pour chacune des spéculations. 274Il faut aussi considérer que le niveau de vie est élevé par rapport aux pays voisins ; le marché intérieur est donc exigeant en termes de qualité, ce qui donne un avantage certain aux productions de la Martinique par rapport aux productions des pays voisins. La production de produits frais pour le marché local bénéficie d’une certaine protection puisque les importations auront à subir le coût du transport ; cela est surtout valable pour les produits se transportant par avion tels que les légumes frais. L’initiative et l’étude de marché 275L’initiative a souvent été le fait de quelques individus, initiative qui a ensuite suscité l’intérêt d’autres agriculteurs. C’est le cas de l’avocat, de l’aubergine et de la lime. Dans ces cas il n’y a pas d’étude de marché prospective et seule la lime a bénéficié d’un réel plan de développement. 276Dans les deux cas, l’initiative est le fait de l’aval les usines de transformation pour la goyave et les circuits de commercialisation pour le melon. Ces expériences ont bénéficié de réelles études de marché et les produits attendus ont été bien définis en quantité et en qualité. La goyave a aussi bénéficié d’un plan de développement, alors que l’expérience du melon est restée l’affaire de quelques sociétés privées. Financement et aides 277La diversification des cultures est, en principe, fortement encouragée par les pouvoirs publics et bénéficie d’aides spécifiques qui favorisent son développement. Ainsi, on peut citer la subvention aux plantations fruitières, l’aide aux équipements serres en maraîchage, les aides à la commercialisation en frais POSEIDOM - programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements français d'outre-mer les aides à la transformation. 278L’ensemble de ces mesures est assujetti à des cahiers des charges assez stricts qui vont dans le sens de la structuration et de l’organisation des producteurs dont le niveau technique est en progrès constant. Ces aides améliorent la compétitivité des productions vis-à -vis des produits importés mais ne suffisent pas, dans la majorité des cas, à favoriser l’accès aux marchés d’exportation sur l’Europe. 279Il faut également considérer que ces productions de diversification ne bénéficient pas de la préférence communautaire et que les aides apportées restent largement inférieures à celles consenties au secteur bananier. Possibilité d’industrialisation 280À l’inverse de la production en frais pour les marchés locaux, la transformation bénéficie de larges possibilités d’écoulement à partir du moment où elle reste concurrentielle par rapport à d’autres origines, ou qu’elle s’en distingue par une qualité différente. 281Les DOM, comme le reste du territoire métropolitain, peuvent avoir accès à des technologies de pointe en ce qui concerne la transformation des produits agricoles et fabriquer des produits de haute qualité qui auront une meilleure valeur ajoutée que les produits transformés traditionnels. On peut citer par exemple les jus de fruits tropicaux, les légumes surgelés, le semi-confisage des fruits, etc. 282Les mesures favorables à ce secteur de la transformation sont pour l’essentiel des aides à l’investissement et des possibilités de défiscalisations. Le rôle de la recherche 283Par rapport aux pays voisins, le dispositif de recherche martiniquais est important. 284Cependant, par rapport aux standards européens, les moyens attribués à la recherche et au développement en matière de diversification ont toujours été insuffisants. Par exemple, au cours des vingt-cinq dernières années, en Martinique, tout au plus deux chercheurs ont travaillé sur les fruits de diversification, et en moyenne deux également sur les cultures vivrières et maraîchères. 285Pour la lime et la goyave, la recherche est intervenue dès le départ de l’action, en particulier en fournissant le matériel végétal adapté. Dans le cas de la goyave, la recherche est même intervenue assez largement lors de la conception du plan de développement. 286Dans tous les autres cas, la recherche est intervenue en pompier » une fois que l’opération était lancée il a fallu, alors, résoudre les problèmes techniques au fur et à mesure qu’ils apparaissaient sans avoir pu étudier, de façon approfondie, les problèmes de fond et sans que le recul nécessaire n’ait pu être pris. 287La recherche a donc en général eu uniquement un rôle de recherche d’accompagnement qui a souvent débouché sur une assistance technique intense comme pour l’avocat, l’aubergine, la lime et la goyave. 288Le manque de financement pour ce secteur n’a pas permis de précéder correctement le développement de certaines cultures. L’acquisition de résultats de recherche transposables aux agriculteurs s’est effectuée par une recherche d’accompagnement faite sous la pression de la profession sans avoir pu étudier, de façon approfondie, les problèmes de fond et sans recul nécessaire. Dans de nombreux cas, il a fallu transposer rapidement un savoir-faire acquis dans d’autres situations et d’autres climats avec les approximations et les risques que cela comporte. 289L’ensemble des observations précédentes est synthétisé dans le tableau ci-dessous. Tableau – Synthèse des différentes expériences de diversification en Martinique Conclusions Échecs ou succès ? 290Comment peut-on juger de l’échec ou du succès d’une opération ? Doit-on considérer une opération comme un échec parce qu’elle a pris fin ? 291Comme on l’a vu, les opérations de diversification ont une durée de vie limitée. Le déclin d’une opération est en général du à une évolution des marchés et/ou de la concurrence. Dès lors, il faut soit être capable de s’adapter aux nouvelles donnes des marchés, soit envisager une reconversion sur un autre créneau pas encore exploité par les pays ayant des avantages par rapport à la Martinique coût de la main-d’œuvre, proximité des marchés.... L’abandon d’une opération en maraîchage ne pose pas de problèmes majeurs, mais il n’en est pas de même pour l’arboriculture où l’investissement réalisé pour la mise en place des vergers est considérable. 292Cette nécessaire reconversion implique une recherche permanente sur de nouveaux produits même quand une opération de diversification est un succès les dispositifs de recherche ne doivent pas être utilisés uniquement dans un rôle de pompier » ou pour l’assistance technique. 293Dans ce cadre, il apparaît que l’avantage majeur de la Martinique et des DOM-TOM doit être non pas le climat, mais l’aptitude aux changements rapides. Cette aptitude implique une flexibilité des systèmes de production comme des filières. Cette flexibilité peut s’appuyer sur des infrastructures et des échanges bien développés, des possibilités de subventions aux investissements et un réseau recherche et développement qui, s’il n’atteint pas le niveau européen, est largement plus développé que celui des pays environnants. 294Enfin, un point important se dégage des différentes expériences dans les opérations de diversification pour l’exportation, la définition précise du produit en termes de quantité, de qualité et de coûts de production est fondamentale. Une liaison forte avec l’aval de la production est souvent un gage de succès comme le démontrent les expériences de la goyave et du melon. Enseignements à tirer pour l’agriculture biologique 295Le développement d’une filière agriculture biologique peut s’appuyer sur deux marchés le marché intérieur ou le marché à l’exportation. Le marché à l’exportation nécessitera d’avoir une/des filières bien structurées et des produits bien définis, mais même avec ces préalables, la concurrence viendra inéluctablement des pays tropicaux à faible coût de main-d’œuvre des pays comme la République dominicaine et Cuba sont déjà sur le marché de l’agriculture biologique. Il faut alors pouvoir anticiper cette concurrence et explorer les marchés pour de nouveaux produits, or cette perpétuelle remise en question ne favorise pas une gestion durable des systèmes d’exploitation. En revanche, pour le marché intérieur, l’assurance d’un produit sain dans un environnement sain doit pouvoir être valorisé il faut toutefois créer les liens de confiance label, logo et/ou proximité producteur-consommateur qui permettront de générer cette plus-value. Faisabilité économique d’une filière longue de la banane biologique en Martinique4 4 Rédacteurs Marc Leusie 296Les sources bibliographiques concernant l’évolution du marché mondial de la banane biologique sont rares et peu précises. Elles ont donc, pour ce bilan, été complétées par des interviews réalisées auprès de coopératives locales de production et de commercialisation de bananes. État de la demande mondiale de bananes biologiques 9 En particulier, le groupe intergouvernemental sur la banane et sur les fruits tropicaux. 297Relativement à la demande, les différentes sources9 font état d’une progression régulière de la consommation de bananes Bio dans les pays industrialisés. Nous allons, dans l’ordre, nous intéresser aux trois principaux pôles de demandeurs. L’Amérique du Nord 298Les États-Unis affichaient en 1998 un chiffre d’affaires de 4,2 milliards de dollars pour l’ensemble des ventes de produits biologiques, soit un taux de croissance de 20 à 25 % par an de 1990 à 1998. De 1998 à 2000, le tonnage de bananes Bio pour les États-Unis et le Canada est passé de 13 000 t. environ 1800 t pour le Canada à 23 500 t. La production Bio représente donc environ 0,5 % de la consommation totale de bananes aux États-Unis. Les principaux fournisseurs sont latino-américains il s’agit de la République dominicaine et du Mexique. 299La différence de prix entre les bananes Bio et le conventionnelles aux États-Unis se situe aux alentours de 20 %. La consommation par habitant au Canada est nettement plus forte qu’aux États-Unis. L’Europe 300En 1998, la valeur de la consommation totale de produits biologiques était également de 4,5 milliards de dollars US pour un même tonnage de 13 000 t. Entre 1998 et 2000, la consommation européenne a pratiquement triplé 42 500 t., en parallèle avec le développement de la production Bio en République dominicaine, en Colombie et en Équateur, et représente environ 1 % de la consommation de bananes. 301Le Royaume-Uni, avec 17 000 t., est devenu le plus gros pays consommateur d’Europe, sous l’impulsion de son système de distribution qui assume un rôle traditionnel d’orientation de la consommation, principalement sur les produits d’importation. 302L’Allemagne, traditionnellement grosse consommatrice de bananes, vient ensuite avec 11 000 t., soit le triple de la consommation de la France et de l’Italie, respectivement en 3e et 4e position. 303Les autres pays européens restent à l’écart de cette consommation, soit qu’ils soient mal informés des possibilités de marché de la banane Bio, soit qu’ils soient méfiants vis-à -vis des circuits. 304Les prix acceptés par les Européens sont encore élevés mais commencent à diminuer. Ils se situent à plus 30 % environ du prix du conventionnel. Le Japon 305Avec 9000 t. en 2000, et de fortes progressions depuis 1997 plus de 75 % de 1998 à 2000, c’est le pôle de consommation qui accepte les prix les plus élevés + 80 % par rapport au conventionnel. 306Les taux de progression, forts et soutenus, donnent à penser que c’est l’offre qui constitue le facteur limitant du développement du marché. L’offre en bananes biologiques 307La République dominicaine est le premier fournisseur mondial de bananes 44 000 t. produites en l’an 2000, après une année de forte croissance qui a vu la production Bio dépasser la production conventionnelle. 308Le Mexique suit avec 9000 t. en 2000. Les autres pays producteurs d’Amérique latine enregistrent de forts taux de croissance. L’élément important reste l’introduction dans le système de production Bio de grandes structures de production, à l’incitation des grosses sociétés multinationales Dole, Fyffes, Chiquita. 309En ce qui concerne l’évaluation des conditions de mise en place d’une filière de bananes biologiques à partir de la Martinique, la lecture de la littérature sur les premières expériences de production de bananes Bio fait apparaître une situation générale satisfaisante Il y a une offre et une demande actives, bien que le marché soit très déficitaire en termes d’offre. Les rémunérations consenties par les consommateurs des pays riches en raison du caractère Bio sont importantes et ont parfois permis de vendre le produit Bio deux fois plus cher que son homologue conventionnel. 10 Label Max Havelaar et Altereco. 310La notion de commerce équitable CE semble complémentaire du produit Bio dans certaines stratégies commerciales. Elle est apparue, dans le champ commercial, en réponse au besoin d’éthique ressenti par certains consommateurs10. La grande distribution s’est volontiers faite le vecteur de ce concept qui reflète des préoccupations à la fois environnementales et sociales. Les deux notions de Bio » et CE » sont complémentaires car symétriques, le Bio » mettant l’accent sur le bien-être du consommateur, via sa santé, et le CE mettant l’accent sur le bien-être du petit producteur méritant. 311Le souci environnemental que partagent ces deux labels permet à certains producteurs et distributeurs de les associer en vue d’assurer une meilleure captation des motivations éthiques des consommateurs. Cette complémentarité est d’autant plus facile à mettre en œuvre que les parts de marché des deux labels sont de même ordre, ce qui éloigne a priori la menace de l’écrasement de l’un par l’autre et laisse à penser que des gains de productivité peuvent être réalisés par la mise en commun des contrôles. Le marché théorique est impressionnant, de l’ordre des trois quarts de la consommation. Toutefois, les possibilités réelles sont extrêmement restreintes en raison des difficultés rencontrées, d’une part, au plan de la maîtrise technique, et d’autre part s’agissant du maintien des prix face à une demande réceptive, certes, mais pas forcément prête à payer plus cher les valeurs d’une nouvelle éthique de consommation. Filières commerciales en France et production biologique 312Les difficultés relatives à la maîtrise technique de la quantité et de la qualité des produits ne favorisent pas l’accroissement de l’offre. Or, les consommateurs des pays riches sont particulièrement exigeants sur une certaine conception de la qualité, incluant notamment une apparence physique impeccable, l’homogénéité des présentations et leur régularité, même si les consommateurs de produits Bio font montre d’une plus grande tolérance que pour les produits conventionnels le caractère Bio par lui-même pouvant s’exprimer par certaines imperfections de présentation des produits. La différence de prix entre produits Bio et conventionnels tend actuellement à diminuer, ce qui peut conduire à craindre la fin d’une période d’engouement pour la production Bio. On arriverait ainsi à la fin d’un cycle, se manifestant par un tassement des prix unitaires. Le problème des réserves de gains de productivité se posera donc rapidement. Enfin, la réserve de nouveaux consommateurs se situe principalement dans la clientèle des circuits de grandes surfaces. Or, ce choix de débouché, purement commercial en apparence, induit un important dilemme chez les promoteurs historiques de la production biologique, qui se voient confrontés à ce qu’ils considèrent comme un changement profond de fonctionnement de la filière. Le partenariat paraît moins évident avec ces nouveaux clients, plus volatiles et surtout plus soumis aux strictes lois du marché que dans les circuits initiaux. La tradition commerciale de la Grande Distribution incite les acheteurs à profiter de leur avantage structurel pour imposer leur mode de fonctionnement et leur niveau de prix, dans une logique de supply-chain et non plus de filière. 313Ce changement est perçu en conséquence comme une entrée dans un autre système de valeurs. 314Alors qu’en apparence, dans un contexte de pénurie d’offre, ce sont les vendeurs qui sont avantagés, tout dépend en réalité de la manière dont sont définis les termes du marché les nouveaux clients potentiels que sont les grandes et moyennes surfaces GMS réservent le marché à la seule production répondant à des critères de qualité commerciaux établis par eux-mêmes, et contribuent ainsi à restreindre le marché. La stratégie des grandes et moyennes surfaces GMS consiste, en effet, à faire profiter au maximum les consommateurs des gains de productivité obtenus par la recherche des effets de masse, avec pour corollaire une culture d’achat privilégiant une forte pression sur les prix et l’accent mis sur les critères de qualité définis par eux-mêmes de façon intransigeante. Un positionnement ambigu 315C’est le résultat des problèmes que nous venons d’évoquer. Il faut toutefois insister sur quelques points en particulier. 316Le chiffre d’affaires réalisé lors des expériences de production-commercialisation de bananes Bio, est tributaire des ventes, mais également pour une large part des subventions des États membres du G8 ou d’organismes internationaux. Le citoyen supplée ainsi le consommateur. On ne sait pas si c’est une mesure de performance adéquate par nature au secteur de production Bio, auquel cas la demande de subventions risque de s’accentuer sous la pression exercée par les GMS, ou si c’est seulement une situation transitoire due au décollage de l’activité, en attendant une montée en puissance significative de la productivité de la filière Bio rendement quantitatif et qualitatif, maîtrise logistique, économies d’échelle… 317Le commerce équitable est une notion de rééquilibrage économique vis-à -vis des producteurs défavorisés des pays en voie de développement et ne s’applique aucunement dans les Antilles françaises. Les effets de synergie potentielle seraient donc davantage à rechercher du côté de la panoplie des signes de qualité nationaux, plutôt que dans la recherche de synergie entre Bio et CE. Les producteurs misent sur l’Agriculture raisonnée 318Des entretiens menés pour l’expertise collégiale ressort l’impression que les producteurs martiniquais estiment le choix de l’agriculture biologique comme étant trop porteur de risques, la difficulté de maîtriser les problèmes sanitaires et de fertilité motivant pour l’essentiel leur position. Voilà pourquoi, soucieux de répondre aux exigences de plus en plus grandes des consommateurs ou plutôt des distributeurs qui prétendent parler en leur nom, ils se conforment rigoureusement aux cahiers des charges émis par ces derniers. Ils utilisent les documents de l’Agriculture raisonnée dont ils incluent de larges pans, notamment à propos du contrôle des pesticides. L’utilisation croissante d’emballages biodégradables complète cette recherche de captation d’image de respect de l’environnement. Les contraintes logistiques à l’exportation de bananes Bio de la Martinique 319Dans la production Bio, le fait de produire en petite quantité constitue un handicap majeur en termes de logistique, concernant aussi bien en amont la mauvaise adéquation aux conditions de transport international, et en aval la nécessité de distribuer les produits d’une offre atomisée. 320Le marché potentiel des produits Bio issus de la Martinique se situe essentiellement en Europe. Le seuil d’existence de la filière peut être donc évalué à partir de trois critères Le mode de transport le transport par avion n’est pas utilisé pour des raisons techniques le temps de transport rentre traditionnellement dans le délai de mûrissement de la banane et pour des raisons économiques même si la production Bio bénéficie de prix de vente plus élevés au consommateur, le prix de transport au kilogramme reste dissuasif par rapport au prix moyen de vente départ de la banane plus de 1 euro. Par ailleurs, inclure dans la valeur ajoutée un surcoût de transport revient à diminuer la part des autres opérateurs ; enfin, utiliser un mode de transport gourmand en énergie est contradictoire avec le message spécifique de l’agriculture biologique et pourrait contribuer à en limiter l’impact commercial… ii La nécessité de séparer les flux Bio et non Bio impose un container spécifique pour les bananes Bio. La capacité des plus petits contenants utilisés pour le transport par bateau est le conteneur de 10 t. ou de 16 t. iii Le rythme de rotation nécessaire pour assurer une présence régulière au rayon des distributeurs cela correspond approximativement au délai de mûrissement des bananes environ deux semaines il faut donc compter annuellement vingt-cinq rotations environ. 321La fourchette est donc comprise entre 26 rotations de 10 t. soit 260 t. et 26 rotations de 16 t. soit 336 tonnes. Ainsi, on considérera que le seuil minimal d’existence de la filière est de 300 t./an. L’image potentielle des bananes Bio de la Martinique 322Des études pour la définition de produits innovants à partir de la production agricole de la Guadeloupe et de la Martinique ont montré que l’image des produits issus de la Martinique étudiée à partir des étiquettes des produits commercialisés en métropole, qui en écoule la plus grande partie, principalement les dérivés de la canne à sucre, repose sur la mise en scène d’un passé colonial idéalisé, vu sous l’angle de l’aventure maritime piraterie, tradition de commerce international de denrées exotiques… Cela contribue à camper un décor paradisiaque et exotique, rappelant la qualité des éléments naturels eau, mer, montagne, et mettant en avant quelques emblèmes exotiques perruches, palmier, fruits divers dont la banane. 323Cette recherche de positionnement identitaire renvoie plus à la littérature d’aventure et aux films hollywoodiens qu’à la réalité de la vie en Martinique, ce qui ne laisse guère de place pour la formulation de discours portant sur l’authenticité ni sur l’identité réelle de l’île, qui conviendraient à l’image de produits Bio. Sensibilité des acteurs de la filière de banane martiniquaise au phénomène Bio 324Cette sensibilité a été appréhendée à travers la réalisation d’entretiens dans deux des principales coopératives de l’île, ainsi que lors d’une visite au GIPAM Groupement des importateurs de produits agricoles de la Martinique. 11 La société Gipam et Sicabam forme aujourd'hui un GIE nommé Banamart. 325Ces deux coopératives11 sont d’un poids sensiblement équivalent, tout en étant sociologiquement très différentes puisque la SICABAM Société d’intérêt collectif agricole bananier de la Martinique repose sur un système très intégré de grosses propriétés, alors qu’on trouve, avec la COBAMAR Compagnie bananière de la Martinique, une formule se rapprochant plus du syndicat d’indépendants coordination des initiatives des adhérents autour d’un noyau central constitué par l’adhérent principal. 326La survie de la production de bananes aux Antilles est tributaire essentiellement des accords de l’Organisation mondiale du commerce pour la banane OMCB, qui entérinent une situation d’exception pour les bananes françaises dans le contexte européen au moins jusqu’aux prochains accords prévus en 2006. 327Pour la SICABAM, la survie est perçue comme devant être globale, donc dépendante de décisions politiques avec, comme corollaire, la recherche d’un effet de lobby il s’agit donc essentiellement de faire preuve de bonne volonté dans les différents domaines de la qualité, y compris la qualité environnementale. Une conformité étroite est ainsi recherchée par cette coopérative par rapport aux cahiers des charges fournis par les clients, inspirés directement par les multinationales américaines, en position d’édicter la norme du secteur. Cette attitude de bon élève sera, espère-t-on, sanctionnée positivement par une reconduction totale ou partielle des prochains accords de l’OMCB, en 2006. Cette échéance est retenue par les opérateurs comme étant celle qui ouvrira les possibilités de redéployer de nouvelles initiatives, notamment pour la promotion de la nouvelle variété du CIRAD adaptée aux conditions de production sans traitements, ou en comprenant un minimum. 328Pour la COBAMAR, la survie paraît davantage perçue comme dépendant de la capacité des acteurs à s’adapter aux conditions de marché. Il s’agit donc d’accompagner l’initiative individuelle des planteurs, y compris dans le domaine environnemental. Il n’est pas exclu de tenter d’expérimenter la nouvelle variété écologique », en comptant sur le sens de l’adaptation et de la différenciation des producteurs pour rester compétitif. Une intense réflexion des producteurs, par les voyages d’études notamment, vise à découvrir des systèmes de production Les Canaries, République dominicaine… plus productifs, mieux tenus ou davantage Bio ». 329Ces deux attitudes diffèrent fondamentalement en ce sens que l’une se fixe une échéance fondamentale 2006 tandis que l’autre se projette dans un continuum, dans lequel la propreté environnementale peut fournir un axe majeur de différenciation. Actuellement, sur ce plan, aucune des deux ne l’emporte, puisque le niveau de performance environnementale est fixé par la stricte observance des cahiers des charges imposés par la clientèle. La bonne volonté de la seconde coopérative se trouve bridée par l’obligation de la coordination volontaire et par le fait que la recherche n’offre pas actuellement d’innovation majeure, variétale ou technique, qui puisse être développée rapidement. 330Pour le moment, seules des améliorations ponctuelles sont envisageables, comme l’épandage par avion avant les heures ouvrables, qui permet à la fois de s’inscrire dans le respect des personnes, partie intégrante du développement durable, et de ne pas dégrader l’image de l’île auprès des touristes à une heure qui, raisonnablement, ne devrait en rien les gêner. 331Pour la SICABAM, la production Bio est exclue pour deux raisons Cette production n’est pas jugée sérieuse, comme l’a démontré le précédent de la République dominicaine. Il n’y a pas de place pour l’initiative volontaire tant que l’horizon 2006 n’est pas dégagé. 332En revanche, pour la COBAMAR, des essais en production agrobiologique, avec éventuellement mutualisation de risques jugés très acceptables, pourraient faire partie de la stratégie générale. Conclusion 333En dépit de quelques graves handicaps, la mise en place d’une filière Bio de la banane est possible. 334Les principaux handicaps sont liés à la pérennité de pratiques anciennes peu soucieuses de l’environnement, à la faiblesse et la vulnérabilité de l’image générale de l’île, au fait que la production antillaise française est actuellement à l’écart du champ du commerce équitable, mais sont dus aussi au scepticisme des principaux opérateurs de la filière banane, à l’absence d’un matériel variétal réellement adapté, à la tendance au tassement des prix. 335Des facteurs positifs existent Des actions de réhabilitation de l’environnement ont été engagées depuis plusieurs années et, même si des problèmes sérieux restent à résoudre, on peut supposer que l’image que l’île veut promouvoir ne souffrira pas de contradictions trop évidentes entre les conditions de production générales et celles qui sont spécifiques à l’agriculture biologique. Par ailleurs, les exigences pour la mise en place d’une filière Bio sont peu élevées 300 à 400 t. par an et une des coopératives existantes est prête à prendre le risque de procéder à des essais et à la commercialisation afférente. En outre, le problème variétal devrait être limité dans les prochaines années par la diffusion d’une nouvelle variété résistante. 336Il restera alors à gérer le développement quantitatif sans sacrifier la qualité. Tourisme et développement d’une production biologique en Martinique5 Les nouvelles tendances de la relation tourisme-environnement L’introduction des valeurs d’environnement 337Le développement explosif du tourisme au xxe siècle a posé de façon aiguë le problème de la relation du touriste aux divers éléments des sites dont il vient jouir de façon passagère. Dans le rapport du secrétaire général de la Commission du développement durable de l’ONU de mai 2001 relatif au tourisme, l’ONU a fait le constat d’une forte menace sur les environnements naturels, culturels et socio-économiques des pays de destination. Il s’agit souvent de PVD, pour des raisons climatiques la croissance incontrôlée d’un tourisme attiré par la perspective de profit à court terme nuit à l’environnement et aux sociétés d’accueil et finit par détruire les bases mêmes sur lequel il est construit. Les critiques sur le comportement du touriste sont nombreuses ; elles concernent aussi bien la relation purement mercantile et irrespectueuse établie avec les autochtones que l’usage fait des sites, qui implique leur confiscation et leur dégradation au détriment, à terme, de l’économie locale dégradation des ressources naturelles et de la biodiversité, hausse du foncier… 338Dès 1988, l’Organisation mondiale du tourisme a lancé l’idée d’un tourisme durable défini comme devant permettre de satisfaire aux besoins économiques, sociaux et esthétiques, tout en sauvegardant l’intégrité culturelle, les processus écologiques essentiels, la diversité biologique et les systèmes d’entretien permettant la vie » ONU, 2003. 339L’émergence d’un tourisme s’inscrivant dans le développement durable suppose différents types d’actions pour la remise à niveau du tourisme traditionnel, impliquant la mise en œuvre de démarches volontaires, codes de bonne conduite, certifications, éco¬étiquetage. L’Organisation mondiale du tourisme propose un Code mondial d’éthique du tourisme depuis 1999 OMT, 2001. Elle dispose également de critères d’évaluation de durabilité qui sont utilisés progressivement mais qui en sont encore largement au stade expérimental. 340Ces initiatives se développent mais il y a lieu de s’interroger sur leur portée et leurs limites CRIDEAU, 2001. L’existence d’intérêts divergents, le manque de sérieux de certains labels et certificats de bonne conduite servant d’arguments commerciaux, dont les résultats concrets attendus restent par ailleurs extrêmement flous, la diversité des situations en matière d’environnement naturel et social, mettent en question l’ensemble de la pratique du tourisme. L’aménagement du système d’exploitation est rendu nécessaire pour assurer la survie des pays qui sont des destinations touristiques, tant en ce qui concerne l’activité autochtone que le comportement des touristes. Un comportement pionnier l’écotourisme 341L’écotourisme constitue une proposition innovante, qui se développe depuis une dizaine d’années. L’objectif est de concilier la démarche écologique et les activités purement touristiques, en privilégiant le contact avec la nature. Cette approche conduit à modifier de façon importante tant la création des infrastructures, qui doivent respecter et protéger le patrimoine naturel et culturel, que la relation touriste-autochtone, qui doit évoluer dans un sens plus équitable ». 342L’écotourisme représente un créneau modeste mais en progression rapide. Il inclut un fort volet pédagogique sur les écosystèmes, les cultures et les questions touchant à la durabilité des sites visités, et cherche à limiter les conséquences négatives sur l’environnement naturel et socioculturel. 343Le respect de l’environnement est garanti notamment par la pratique de droits d’entrée dans les zones naturelles protégées, les ressources ainsi obtenues étant consacrées, du moins en partie, à la conservation des sites. La fragilité des sites et des relations interpersonnelles requiert en effet tant une planification pour limiter la pression écologique qu’un numerus clausus pour garantir la qualité des relations. Ces contraintes sont inhérentes au concept, mais elles pèsent sur la rentabilité du secteur et témoignent de la cassure avec le tourisme de masse. En revanche, on peut penser qu’un tourisme raisonné » pourrait bénéficier de ces concepts pour réorienter certaines pratiques parmi les plus contestables du point de vue du respect de l’écologie, et les intégrer dans une pratique moins exigeante mais non dénuée d’efficacité. L’image de la Martinique 344L’image des Antilles françaises a été analysée à partir de la création d’un nouveau produit à base de canne à sucre CRISALIDE, 1999. 345Cette analyse a fait ressortir, pour les produits à base de fruits locaux, une tendance à l’exploitation des attributs d’un passé récent. Par ailleurs, les grandes marques de boissons à base de fruits exotiques ont recours au mythe du paradis terrestre, autant qu’à l’évocation d’une faune rappelant la mythologie de Walt Disney et faisant donc paradoxalement référence à la modernité. Il n’y a donc rien qui, d’une façon ou d’une autre, rappellerait un passé lointain authentique idéalisé, comme l’époque précolombienne, par exemple. 346La référence des boissons plus locales renvoie donc aux trois derniers siècles, certains produits se voulant emblématiques de l’époque coloniale dont sont gommés les aspects les plus malheureux comme l’esclavagisme le côté aventureux de cette époque est souligné dans une imagerie qui intègre dans le mythe les victimes au côté du pirate, tous habitants d’un site radieux et ensoleillé, vêtus d’habits seyants, consommateurs de produits exceptionnels comme le rhum particulièrement emblématique de l’histoire de la piraterie, usagers d’outils pittoresques et évocateurs, comme le tonneau, la charrette, le sac de jute… 347Tous ces éléments sont en fait constitutifs d’un décor plein de promesses d’un exotisme aventureux et exubérant, propre à un développement touristique commercialisable, mais peu compatible avec les valeurs de tourisme éthique, et donc respectueux de l’authenticité du patrimoine culturel et de l’environnement. La situation du tourisme en Martinique Quelques données quantitatives 348En 2001, la Martinique a accueilli 750 000 touristes. Bien que ce chiffre soit inférieur de 20 % par rapport à 2000, la Martinique reste cependant la première destination des Antilles. L’activité touristique y génère 2300 emplois directs. 349La Martinique dispose d’un parc d’hôtels de tourisme, le plus souvent situés en front de mer et qui accueille annuellement plus d’un million de touristes Para et al., 2004 de différentes nationalités, mais principalement français de métropole, pour des séjours allant d’une à plusieurs semaines. L’activité portuaire consécutive aux escales des voyageurs par bateaux est également importante restauration, commerce…. Les aspects qualitatifs 350Le tourisme est une source de revenus importante pour la Martinique. Il s’agit cependant pour l’essentiel d’un tourisme drainant une clientèle peu soucieuse de sortir des espaces spécialement dédiés hôtels, plages… et peu encline à des dépenses hors forfait si ce n’est pour l’acquisition de rhum et de produits textiles exotiques ». Cela n’exclut pas, malgré tout, pour une fraction d’entre eux, un certain intérêt pour des concepts ou des expériences nouvelles, parmi lesquelles peuvent se situer l’écologie et la recherche de l’authenticité. 12 Interview du directeur de la CCIM de la Martinique, décembre 2002. 351Ce type de tourisme de masse est aujourd’hui menacé par la concurrence des pays voisins qui bénéficient des mêmes conditions climatiques, mais aussi d’un coût de main-d’œuvre nettement inférieur. En effet, le positionnement bas/milieu de gamme » qui a été choisi pour le tourisme à la Martinique a conduit à définir des services à la clientèle de qualité standard, et peu raffinés, ce qui fait que l’expérience et l’apprentissage des employés d’hôtellerie ne permettent pas d’aborder la concurrence dans de bonnes conditions selon la Chambre de commerce et d’industrie de la Martinique CCIM12, la chute de motivation du personnel est manifestement le résultat de cette politique de facilité, dont le du groupe Accord qui s’accommodait pourtant fort bien de cette situation avant l’apparition des possibilités de concurrence régionales s’est fait récemment l’écho dans les médias ». 352Pourtant, le DOCUP Conseil général de la Martinique, 2000, document officiel qui recense l’ensemble des performances du secteur touristique, signalait dès 1998 des menaces déjà perceptibles sur un tourisme en voie de déqualification. L’écotourisme en Martinique 353L’écotourisme est un secteur en pleine expansion. Cette démarche écologique s’appuie en particulier sur le développement des gîtes ruraux. 354Dès le début des années 1990, les autorités martiniquaises ont soutenu le développement d’un parc immobilier spécifique ; celui-ci comportait 348 gîtes en 1999 pour plus de 15 000 touristes hébergés contre 8000 sept ans plus tôt Para et al., 2004. Ces hébergements en gîte rural visent à faire partager aux touristes les modes de vie des autochtones. La constitution du réseau Accueil paysan martiniquais » avait comme ambition de faire partager la vie des travailleurs de la terre. Le jardin de Balata ou encore les îlets Sainte-Anne, où se côtoient des espèces d’oiseaux rares, sont intégrés à de nombreuses activités touristiques. 355Compte tenu des capacités d’hébergement et des niveaux de fréquentation totaux de la Martinique, le phénomène apparaît encore marginal ; de fait, il ne concerne que 3 à 4 % de la fréquentation touristique de l’île alors que, selon l’Office mondial du tourisme, 20 % de la clientèle touristique serait concernée par l’écotourisme. Il croît cependant rapidement entre 1990 et 98, la fréquentation des gîtes ruraux a été multipliée par deux. 356On peut certainement en attendre un effet d’entraînement en faisant apparaître des perspectives de développement et surtout en développant un modèle susceptible de faire évoluer l’image et la politique touristique de l’île. 357De fait Le taux de croissance élevé est lui-même le reflet d’une tendance lourde du tourisme international. Des actions éco-touristiques » peuvent prendre place dans des programmes de tourisme classiques randonnées, restauration à la ferme… Il s’agit d’un objectif à moyen terme de promotion de l’image de l’île, tout autant que d’un objectif commercial à court terme. Les perspectives actuelles de la relation entre le secteur du tourisme et celui de l’agriculture biologique 358Dans la situation actuelle, les conditions de séjour et d’alimentation des touristes sont le plus souvent pré-négociées. La consommation de produits Bio issus de l’île ne pourrait donc être que très limitée dans l’immédiat, ne concernant que certains créneaux bien particuliers complément par rapport à l’alimentation dispensée dans les hôtels et à la rigueur dans les restaurants proches de la côte, découverte de la production locale, bien qu’avec un impact limité par la nécessité de transporter des produits souvent fragiles. Elle serait par ailleurs dépendante des choix des hôteliers et restaurateurs locaux. 13 Interview du directeur de la CCIM, décembre 2002. 359Cependant, une nouvelle politique du tourisme martiniquais, s’appuyant sur une image renouvelée, semble pouvoir être mise en place. Elle viserait, selon la CCI13, une clientèle intéressée par la découverte de la nature tropicale et favoriserait la valorisation du patrimoine antillais et plus spécifiquement martiniquais par les touristes. Elle pourrait s’appuyer sur les atouts naturels, comme la montagne Pelée qui offre des possibilités nombreuses et variées diversité entre autres du paysage, de la flore et de la faune, randonnées à pied ou mécanisées ; sa situation, à l’écart du port et de la zone hôtelière, favorise en outre la mise en place d’un itinéraire de découverte. 360Dans cet esprit, les circuits et randonnées de découverte qui donnent lieu à des haltes sur des sites peuvent devenir la vitrine de l’identité comme des produits de l’île, à condition que leur mise en valeur soit accompagnée par la constitution d’un ensemble de services et de produits appropriés et emblématiques de l’île et de la production Bio. La nécessité de prévoir des transformations de produits, des expéditions et livraisons de produits fragiles, périssables et encombrants, peut aussi générer une certaine activité économique de complément. Les éléments d’un redéploiement touristique Une volonté professionnelle d’amélioration 361L’objectif affiché de la CCIM n’est pas l’augmentation du nombre de touristes, mais un nouveau positionnement s’appuyant sur et permettant d’améliorer l’image de l’île, en vue d’obtenir de meilleures performances financières. Dans cette perspective, il s’agit, d’une part, que l’écotourisme soit encore plus vivement encouragé et, d’autre part, que le repositionnement du commerce de masse se fasse en synergie avec l’écotourisme. Couplage de deux activités pionnières l’agriculture biologique et l’écotourisme 362L’écotourisme bénéficie d’une image et d’une dynamique analogue à l’agriculture biologique. La relation peut donc être resserrée entre ces projets, et l’AB peut servir de vecteur principal pour la construction d’une image de l’écotourisme et pour la réappropriation par les habitants de leur patrimoine et de leur identité. Un observatoire des préférences qualitatives des touristes » permettrait de mieux connaître les goûts et préférences des touristes organisation de dégustations de certains produits, recueil d’avis… afin d’orienter les productions Bio vers les produits les plus favorables. Un observatoire des produits Bio » permettrait d’optimiser la composition de gammes analyses des ventes et tests de produits sur les points de dégustation et de vente, lors des circuits et randonnées. Développement durable et tourisme de masse 363La requalification du tourisme de masse suppose que plusieurs conditions soient réunies la cessation, ou la meilleure gestion de pratiques agricoles telles que l’épandage de pesticides ; une formation ambitieuse du personnel d’hôtellerie ; la définition d’actions de promotion en phase avec l’image Bio de l’île ; des actions de communication d’un type nouveau, bien articulées avec les structures préexistantes. 14 Interview du directeur de la CCIM, décembre 2002. 364Le tourisme de masse représente des volumes importants touristes résidents et escales. La CCIM14 se déclare prête à soutenir une meilleure sélection » de la clientèle par une amélioration des services et une révision des activités touristiques, non prédatrices de la culture et de l’économie locales, ainsi que par la formation d’un personnel qualifié et motivé. Cette stratégie nouvelle de tourisme de masse raisonné » pourrait favoriser de nouveaux débouchés pour la production Bio martiniquaise, notamment à l’occasion des circuits et randonnées organisés à partir des hôtels et des bateaux dégustations sur place, achats de produits transformés bien conçus peu volumineux et de haute valeur, en synergie avec d’autres catégories de produits, vente associée à un service de livraison ou d’expédition. À l’inverse, le développement d’une production Bio locale contribuera clairement au repositionnement de l’image touristique de l’île. Les retombées économiques potentielles ne sont pas négligeables en effet, on estime CRISALIDE, 1998 entre 30 à 40 euros le montant moyen des achats effectués par un couple de touristes sur un site présentant une offre constituée, emblématique du site et bien mise en valeur. Il y a là un marché théorique impressionnant, puisque 100 000 achats rapporteraient environ 3,5 millions d’euros par an. 365Dans le contexte Martinique île bio », l’écotourisme apporte un complément d’image incontournable pour les professionnels du tourisme vert, qui peut être répercuté et mis à profit dans le commerce de masse. L’écotourisme se voit ainsi attribué à son tour un rôle de fer de lance pour la requalification touristique de l’île. 366De son côté, le tourisme de masse requalifié peut être une caisse de résonance, une source d’information et une source de débouchés significatifs, sous réserve que la performance économique retrouvée favorise la reconquête de l’image de la Martinique. Conclusions du chapitre 7 Développer progressivement les marchés à partir du secteur productif actuel 367C’est à partir du secteur actuel des produits biologiques que l’on peut penser aborder les marchés, que ce soit pour le marché local ou pour l’exportation. 368L’agriculture biologique certifiée ne repose encore en Martinique que sur douze producteurs et un peu plus de 42 hectares de SAU certifiée. Le potentiel que les agriculteurs réalisent déjà aujourd’hui en AB est d’abord dû aux initiatives de vente directe, de proximité, à la ferme ou sur les marchés, pour des cultures vivrières, du maraîchage, arboriculture fruitière et petit élevage. En complément, l’exploitation de niches de marché particulières à chaque exploitation constitue un foisonnement d’initiatives variées cultures florales, plantes médicinales, plantes et fruits rares… 369De nombreux producteurs se sentent proches » de l’agriculture biologique sans s’inscrire dans une démarche de certification officielle. Ils se déclarent bio » au Recensement agricole et/ou rejoignent l’association Orgapéyi ». Sans préjuger du recouvrement total ou partiel des pratiques agricoles de ces agriculteurs avec le cahier des charges de l’AB, ils constituent une base sur laquelle pourrait s’appuyer une politique de développement de l’agriculture biologique ou de l’agriculture agroécologique » en Martinique. 370En conséquence, le développement de l’agriculture biologique et des marchés se fera selon une démarche progressive, aboutissant à terme à une forme de certification pour les exploitations pratiquant l’AB ou l’AE, mais commençant par le dialogue avec les agriculteurs susceptibles de s’impliquer dans le développement de la production. Des modes de certification adaptés aux spécificités de la Martinique pour différencier les produits Bio ou AE sur les marchés 371Il ne fait pas de doute que le développement des marchés de l’agriculture biologique et/ou de l’agriculture agroécologique ne peut reposer que sur une forme de certification rigoureuse et transparente. La certification est à la fois une protection pour les producteurs lutte contre les fraudes, une justification des coûts de production et donc des prix pour le consommateur, et un facteur de différenciation sur les marchés. Dans un contexte où plus de la moitié des exploitations de Martinique vendent directement leurs produits, avec une image terroir » produit local » qui recouvre en partie celle des produits biologiques, cette différenciation est indispensable pour les producteurs. 372Mais le décalage important en Martinique entre le nombre des agriculteurs sympathisants » de l’agriculture biologique et ceux qui sont réellement certifiés officiellement selon le référentiel AB par un organisme certificateur européen AB-co suggère qu’une réflexion sur les spécificités de la Martinique en matière de certification devrait être engagée. 373La certification officielle par organisme certificateur européen pose beaucoup de difficultés et occasionne des coûts importants dans cette zone ultrapériphérique. 374Dans ce contexte, la puissance publique pourrait encourager la certification par groupes, telle que promue par l’IFOAM, et/ou des démarches de certification participatives voir chapitre premier. Dans un premier temps, il s’agirait d’impulser, par exemple avec des travaux de recherche-action, une réflexion sur ces sujets, avec les producteurs, les organisations de consommateurs, les acteurs des filières… 375De même, la Martinique pourrait participer aux groupes de réflexion organisés par l’IFOAM sur les spécificités régionales », et faire valoir ses particularités climatiques au sein de l’UE. Engager un dialogue avec le ministère de l’Agriculture pourrait faciliter l’obtention de dérogations ou d’aménagements à la réglementation pour tenir compte des spécificités de l’agriculture biologique en zone tropicale. Cela permettrait d’utiliser la démarche de certification officielle » pour une plus grande gamme de produits, facteur favorable pour le développement des marchés. À l’exportation se démarquer des produits Bio standards et valoriser la complémentarité avec le marché local 376L’expérience de trente années de diversification en Martinique montre que les potentialités et contraintes de la production martiniquaise à l’exportation concernent tous les produits. En conséquence La Martinique présente de bons atouts pour exporter des produits Bio de haut de gamme, ou sur des marchés de niche, mais se positionnera difficilement sur les marchés des produits biologiques tout-venant sucre ou banane. Les coûts de production élevés imposent de proposer des produits sur des créneaux pionniers » que la concurrence des pays voisins force à abandonner lorsque l’innovation se diffuse variétés rares, produits transformés de haute qualité, ou valorisant l’origine Martinique, partenariat avec des circuits de distribution…. Il est nécessaire de mobiliser les ressources de la recherche au service du développement et d’anticiper pour préparer le créneau suivant lorsque l’attaque de la concurrence est prévisible. Dans le cas de la production biologique, l’inertie des systèmes temps de reconversion, modification des systèmes de production… est une contrainte. La capacité d’absorption des marchés locaux en complément de l’exportation est alors déterminante pour assurer la viabilité des filières et stabiliser le système commercial. Pour certains produits, entre la population de l’île et les touristes, ce sont des quantités significatives qui peuvent être écoulées. Le marché local en produits frais ou transformés contribue à valoriser des qualités non exportables, surproductions passagères, difficultés ponctuelles sur les marchés d’export, phases de modification des systèmes de production…. L’évaluation de la demande des marchés locaux ou d’exportation en la traduisant en contrats, engagements ou actions avec l’aval des filières unités de transformation, distribution… permet de dimensionner a priori la production en fonction des marchés. Au minimum, cela se traduit par une étude de marché, voire par la recherche d’engagements contractuels avec l’aval des filières en préalable ou en parallèle au développement de la production. Développer en priorité la production pour le marché local 377Le marché local martiniquais est le plus proche et le plus facile à atteindre pour les producteurs. C’est le premier marché à exploiter dans une perspective de développement territorial. 378Il n’y a pas de doute que les attentes d’une partie des consommateurs à la recherche de produits sains et naturels », de produits de terroir issus de la Martinique, voire d’équité sociale, puissent coïncider avec les fondements de l’agriculture biologique. Mais d’autre produits que les produits biologiques peuvent répondre également à ces attentes des consommateurs, au moins pour une partie d’entre elles, et, en particulier, les produits vendus en vente directe, même s’ils ne sont pas biologiques, les produits fermiers, les produits des filières locales de viande notamment. 379Dans ce contexte, un développement des marchés pour les produits biologiques suppose une différenciation claire pour le consommateur. Le signe de qualité AB étant bien connu, dans un contexte de surabondance de logos, marques et signes de qualité officiels ou privés, son utilisation est pertinente chaque fois que possible et en particulier pour les circuits longs de commercialisation. Mais compte tenu de la situation actuelle du secteur de la production biologique ou agroécologique, la mise en place d’une réflexion avec des formes de certification plus souples, mais transparentes et rigoureuses, semble être une étape nécessaire. 380Il est certain que le marché des produits Bio existe en Martinique, les indicateurs recueillis sur le marché actuel le prouvent. Mais s’il s’agit de développer significativement la production, il faut souligner l’absence de données de marché il n’existe pas d’étude du marché des produits biologiques en Martinique susceptible d’orienter le développement futur des filières. Il est nécessaire qu’un tel travail soit réalisé. La question du prix se pose en particulier avec acuité et devrait être étudiée sensibilité au prix. En effet, le coût de la production biologique, souvent plus élevé que celui des produits traditionnels, la part importante du revenu déjà consacré à l’alimentation par les habitants, occasionnent des tensions déjà observées par les producteurs sur les prix des produits. Il arrive que les produits biologiques ne soient pas commercialisés plus cher que les produits conventionnels équivalents. 381La plus grande part du potentiel de marché concerne la population locale de l’île qui représente 90 % du marché alimentaire de la Martinique contre 10 % pour les touristes. 382Sous réserve de compatibilité entre coûts de production et prix de vente, à vérifier à la fois par des expérimentations techniques et une étude de marché, les produits le plus susceptibles de se développer sont d’abord les fruits et légumes, traditionnels et cultures maraîchères. 383Compte tenu des prix déjà élevés de la viande locale parce que les consommateurs l’apprécient beaucoup, des coûts élevés d’importation d’alimentation animale biologique, le développement des produits d’élevage biologique est à privilégier dans une dynamique d’association avec la production végétale polyculture¬élevage. Les animaux sont alors élevés pour leur apport en fertilisant et pour leur viande, mais leur valorisation comme produit Bio par un supplément de prix risque d’être difficile. 384Les filières de vente directe marchés, vente à la ferme… sont celles qui permettent de conserver une plus grande part de valeur ajoutée au niveau du producteur, et elles sont donc à privilégier pour les producteurs disposant de temps, ayant peu de produit à commercialiser. Du point de vue du consommateur, l’organisation de marchés réguliers, avec une offre suffisamment large, est un facteur de fidélisation important et suppose des associations entre producteurs. Les producteurs développent déjà des marchés Bio sur ce modèle. 385Des niches de marché sont également susceptibles de présenter des voies de développement pour certaines exploitations. Dans une démarche de diagnostic de territoire et d’exploitation, ce sont des opportunités à prospecter par chaque exploitant ou groupe d’exploitants agrotourisme en association avec de l’agriculture biologique association avec des prestations culturelles de découverte de l’environnement et des cultures, restauration à la ferme, hébergement… ; agriculture biologique associée à un restaurant biologique, agriculture biologique associée à une boutique de revente de produits biologiques, fourniture de produits biologiques à certains opérateurs touristiques, éventuellement accompagnées de prestations culturelles animation de conférences ou soirées, découverte de l’exploitation pour les hôtels, croisières, fourniture de produits pour la société de catering de l’aéroport…. Développer la production et les marchés par le renforcement des dynamiques existantes 386Les contraintes techniques de la production agrobiologique limitent les quantités produites et fixent, pour partie, les produits obtenus, indépendamment de la demande des consommateurs. La problématique du marché ne se pose pas seule, mais en association avec les contraintes de la production. Il s’agit à la fois de produire ce qui se vend autant que possible et en même temps de valoriser ce qui est produit pour des nécessités techniques de production. Produire en agriculture biologique suppose le plus souvent une variété de produits production végétale, alors que les consommateurs ont tendance à préférer certains produits particuliers achetés en grande quantité comme la triade tomates-salades-concombres. 387Par ailleurs, les marchés accessibles aux producteurs dépendent des performances de leur organisation pour la mise en marché. Dans ce contexte, la stratégie de développement des marchés devrait se baser sur le renforcement des dynamiques existantes, prenant en compte dans le même temps l’appui à la production agricole et à la mise en marché augmentation du nombre des producteurs, soutien technique aux producteurs intéressés par une conversion, recherche technique, appui à la promotion des produits, organisation de foires, appui à des formes de certification adaptées…. Politique publique et soutien au développement du marché local 388Les forces du marché, à elles seules, ne donnent pas les moyens à l’agriculture biologique d’offrir la totalité de son potentiel au service de l’environnement et de la société voir Lampkin, chapitre Une politique publique de soutien au développement est nécessaire. 389Le soutien aux marchés dans le cadre de commandes publiques, notamment pour la restauration collective scolaire, est déjà en place dans de nombreuses villes européennes et françaises, et a fait la preuve de son efficacité au service du développement de la production agricole biologique. Elle pourrait être mise en œuvre progressivement en Martinique, et concerner les produits en AB, en AE, mais aussi les produits locaux, fermiers, dans une perspective de développement territorial. 390Une initiative publique forte sur le développement de la canne à sucre biologique et/ou agroécologique pourrait avoir un intérêt majeur. Culture pivot des rotations voir chapitres 4 et 5, une culture de canne à sucre biologique est aussi une très bonne source d’intrants Bio. La transformation de la canne en sucre par la sucrerie du Galion bénéficie déjà de subventions, et l’initiative publique sur l’outil de transformation est envisageable. Par ailleurs, le sucre est un produit emblématique, porteur d’une partie de l’histoire de la Martinique et de son patrimoine culturel. C’est enfin, avec le punch, un produit bien visible pour les touristes, susceptible d’être un vecteur pertinent d’une communication renouvelée, portant sur le caractère écologique » du développement à la Martinique. Pour ces raisons, tant l’éventualité de la conversion de la sole cannière de la sucrerie du Galion en production agrobiologique et la conversion de la sucrerie sont à envisager. La première étape consisterait à réaliser à ce sujet une étude de faisabilité technico-économique.
Voiciun calendrier des fruits et légumes de saison pour bien manger et prendre soin de la nature. Recettes de printemps, d’été, pour l’automne et même l’hiver À chaque saison, les fruits et les légumes de saison ont tout bon !
CALENDRIER QUELS SONT LES FRUITS ET LÉGUMES DE PRINTEMPS ? Sélectionnez un mois du printemps et découvrez les fruits et légumes de saison produits en France ! MANGER DE SAISON C’EST AUSSI MANGER DE BONS NUTRIMENTS À FAIBLE CALORIE ! Quels sont les fruits et légumes du printemps ? Le printemps fait son retour pour notre plus grand bonheur ! Et qui dit nouvelle saison, dit nouveaux fruits et légumes. Des nouvelles couleurs et des odeurs fraîches envahissent les étals des marchés. Vous y trouverez une grande variété de fruits et de légumes qui vous apporteront de nombreux bienfaits. Le printemps, c’est la saison idéale pour reprendre de bonnes habitudes alimentaires et ainsi de rééquilibrer sa balance énergétique ! Plus d'information ... La transition va s’opérer doucement entre l’hiver et le printemps qui arrive le 20 du mois. Il faudra encore patienter un peu pour les fruits de printemps. Côté légumes, les asperges, les épinards ainsi que les radis feront leur apparition fin mars voire début avril. Vous l’aurez compris les fruits et légumes de saison sont encore d’hiver ! Mais profitez-en car ils sont gorgés de vitamines et de minéraux. Ils sont aussi hypocaloriques ! … Voir tous les fruits et légumes de mars ! Plus d'information ... Au mois d’avril, le ciel s’éclaircit et la lumière qui nous manquait cruellement cet hiver rayonne à nouveau. Les jours sont longs et les végétaux en profitent pour donner de nouvelles couleurs à nos assiettes. On appréciera notamment les radis hyper vitaminés, les asperges mais aussi les pommes de terre nouvelles. Côté fruits, on profite des pamplemousses, citrons et pommes pour se préparer des bons jus de fruits vitaminés, ainsi que de la rhubarbe pour élaborer de délicieuses tartes… Voir tous les fruits et légumes d’avril ! Plus d'information ... La chaleur nous fait changer de garde-robe avec pour certaines, une envie pressante de voir disparaître les petits kilos d’hiver ! Cela tombe bien car le mois de mai, nous offre un vaste choix de fruits et légumes, qui seront de vrais alliés minceur pour être au top en maillot dès que l’été pointera son nez ! Au mois de mai, les légumes nouveaux » sortent de terre et la fraise fait son apparition sur les étals pour le plus grand bonheur de nos papilles gustatives ! … Voir tous les fruits et légumes de mai ! LES SAISONS & PÉRIODES DE RÉCOLTE OU DE CONSERVATION AUTOMNE, HIVER, PRINTEMPS ET ÉTÉ ! Auteur Dernière mise à jour de la page 26-01-2022
Cesdispositions réglementaires n'empêchent pas l'application des restrictions liées à d'autres réglementations :. Végétaux et produits issus d'espèces protégées, soumis à la présentation à la douane d'un permis d'importation CITES.; Végétaux pour l'alimentation (fruits et légumes originaires de certains pays tiers) listés à l'annexe I du règlement 669/2009, et qui sontLe mois de septembre marque la rentrée des classes, les jours raccourcissent et se rafraîchissent peu à peu… On en profite pour apprécier les derniers fruits et légumes de l’été comme le melon ou la framboise et pour découvrir les premières courges comme le potiron ! Allez, c’est parti pour un petit tour d’horizon des fruits et légumes de saison au mois de septembre - Les fruits du mois de septembre Le raisin Qu’il soit noir ou blanc, le raisin, par sa teneur en sels minéraux, vitamines, oligo-éléments et sucres facilement assimilables, apporte tonus et énergie à l’organisme. C’est pourquoi il est souvent recommandé aux sportifs et aux enfants en pleine croissance. La mirabelle Si votre peau a un allié, c’est bien la mirabelle ! De nombreux antioxydants permettant de conserver l’éclat et la jeunesse de la peau y sont présents. La vitamine A contenue dans ce délicieux petit fruit parvient par exemple à filtrer les rayons UV et à en diminuer les effets néfastes sur la peau. La mûre Pharyngite, angine, aphtes ? Rien de tel que la mûre pour y remédier ! Cette baie délicieuse est gorgée d’éléments anti-inflammatoires qui vous aident à lutter naturellement contre les inflammations de la bouche et de la gorge. Elle est également excellente pour la circulation sanguine. La myrtille Les myrtilles, en plus d’être faibles en calories, réduisent le risque de surpoids et de maladies cardiovasculaires. Et plus on mange de myrtilles, plus on aura de chances d’améliorer sa vision dans le noir. La framboise Encore un petit fruit rouge pauvre en calories mais qui apporte de nombreux minéraux et vitamines ainsi que des fibres favorisant le transit intestinal. La figue Il existe plus de 700 variétés de figues des blanches, des noires, des violettes, des grises et même des bicolores ! Moelleuse et sucrée, la figue est à intégrer dans vos recettes sucrées et salées. D’autant plus qu’elle vous apporte fibres, potassium et minéraux ! La tomate Contrairement à ce que l’on croit, la tomate est bel et bien un fruit ! Elle est aussi une source remarquable de lycopène, un antioxydant utile dans la prévention des cancers, des maladies cardiovasculaires et inflammatoires. Consommez-la tout l’été ! Le melon Fruit d’été par excellence, le melon régale nos papilles autant qu’il nous apaise en stimulant la production de sérotonine. Comme l’abricot, il contient beaucoup de bêta-carotène. La pêche On adore sa peau duveteuse et sa chair juteuse et sucrée qui contiennent fibres et vitamine C ! Désaltérante, la pêche est très souvent consommée crue en dessert mais elle se marie aussi très bien avec les plats salés. La prune En plus d’être délicieuses, les prunes sont faibles en calories et riches en fibres, ce qui facilite le transit intestinal. Régalez-vous donc tout en conservant la ligne ! Les légumes du mois de septembre Le potiron Chargé en fibres, vitamines, minéraux et oligo-éléments, le potiron a le mérite de rassasier les estomacs les plus affamés sans pour autant les alourdir. Pauvre en calories, cette courge renferme une chair tendre savoureuse et des graines qui se révèlent délicieuses à l’apéritif, une fois lavées, séchées, grillées et assaisonnées. La laitue La laitue fait partie des salades les plus appréciées des Français et pour cause rafraîchissante, croquante et tendre, elle apporte de nombreux minéraux et nutriments qui sont très bien absorbés par l’organisme lorsqu’ils sont accompagnés d’une source de gras comme une bonne vinaigrette ! Les épinards Vous faites la grimace devant une assiette d’épinards ? Ils sont pourtant très bons pour votre santé, d’autant plus si vous êtes une femme ! Riches en magnésium et en acide folique, les épinards constituent un aliment idéal pour les femmes enceintes car ils limitent les fausses couches. Plus généralement, ils diminuent les contractions et la fatigue qui peuvent survenir pendant les règles. La carotte S’il n’est pas prouvé qu’elle rende aimable et fasse les fesses roses, la carotte a plus d’un atout dans sa botte ! Riche en bêta-carotènes, elle améliore la vision nocturne et ralentit le vieillissement de la peau en renforçant notre résistance aux ultra-violets. Le poivron Frais, piquant et coloré, le poivron est une excellente source de vitamine C et permet en cela de prévenir les infections. D’autant plus lorsqu’il est rouge ! Il donne bonne mine aux ratatouilles, piperades, gaspachos, salades et brochettes. A l’origine, tous les poivrons sont verts et ce n’est qu’à maturité qu’ils changent de couleur. L’artichaut Par sa forte teneur en inuline, l’artichaut se révèle bénéfique pour la flore intestinale et permet de lutter contre la constipation. L’aubergine La peau de l’aubergine contient une grande quantité d’antioxydants plus sa couleur est intense, plus elle prend soin de vous ! Le maïs Semoule, farine, fécule, céréales, grains, pop-corn… le maïs se transforme à volonté selon les goûts et les envies ! Riche en protéines, en fer et en calcium, le maïs est énergisant tout en étant peu calorique. Il contient également 5 fois plus de fibres que le riz. Le brocoli Choisissez le frais et bien vert afin de le consommer cru ou cuit, selon vos envies. Sous forme de soupe, de gratin ou encore de risotto, il vous apportera vitamines et antioxydants ! Mais pour profiter au maximum de ses vertus, préférez savourer le brocoli tout cru, râpé en salade ou encore avec une sauce à l’apéritif. Le concombre S’il y a bien un légume qui ne fait pas grossir, c’est le concombre ! Composé à 95% d’eau, il est très faible en calories et très désaltérant ! Les haricots verts Les haricots verts remportent la médaille des légumes les plus riches en fibres ! Ils contribuent en cela à la satiété et sont excellents pour le transit intestinal. Ils constituent également un allié pour les diabétiques dans la mesure où ils permettent de réguler la glycémie. La courgette Comme le concombre, la courgette fait partie des légumes les plus riches en eau. Elle constitue en cela un excellent atout minceur ! Sa forte teneur en potassium, magnésium et calcium lui donne des pouvoirs contre la tension artérielle et pour la bonne santé des os. La betterave La betterave contient du nitrate qui réduit la fatigue et vous fait gagner en énergie. Elle régénère également les cellules du sang pour vous permettre de conserver une bonne santé. Le fenouil Rafraîchissant, détoxifiant et rassasiant, le fenouil, gorgé de fibres, est recommandé pour traiter les troubles digestifs comme l’aérophagie, les ballonnements et autres maux d’estomac. Le céleri branche Lutéine, bêta-carotène, flavonoïdes… le céleri renferme de nombreux antioxydants anti-inflammatoires et anti-âge. Il est également conseillé d’en consommer pendant la grossesse dans la mesure où il est riche en folates acide folique indispensables à la bonne formation du fœtus. Le chou-fleur Souvent mal-aimé, le chou-fleur fait pourtant des merveilles sur l’organisme. Le sulforaphane contenu dans cette délicieuse source de vitamines, de minéraux et d’antioxydants améliore notamment la pression artérielle et les fonctions rénales. Composé à 85% d’eau, ce légume sain apporte également des fibres nourrissantes mais reste très pauvre en calories. media="max-width 991px"/> 03 Juin 2022 Légumesde la Martinique Dachine, fruit à pain, patate douce sont des légumes pays couramment utilisés dans la cuisine traditionnelle et actuelle de la Martinique. Arbres Arbustes Fleurs Fruits Plantes aquatiques Plantes médicinales Chou de chine Christophine Fruit à pain Gombo Igname blanche Igname koko milé Manioc Patate douce Pois d'Angole
L’as tu remarqué ? Sur les étals des primeurs, on trouve une diversité folle de fruits et légumes, de toutes formes, de toutes les couleurs… et ça toute l’année ! Mais as-tu déjà entendu parler des fruits et légumes de saison ? Ce sont les fruits et les légumes qui poussent pendant la saison dans laquelle nous sommes en ce moment quoi ! ET qui poussent pas loin de chez toi. On dit souvent qu’en plus d’être meilleurs en goûts, les fruits et légumes de saison sont meilleurs pour la planète. Sais-tu pourquoi ? Quand on mange des fruits et légumes qui ne sont pas de saison, cela veut dire qu’ils ne poussent pas naturellement près de chez nous en ce moment. Ils viennent donc de loin, dans des pays où il fait plus chaud. Pour les ramener jusqu’à nous, il a fallu les transporter par camion ou avion, cela génère de la pollution pour l’environnement et contribue au réchauffement de la planète. C’est pour cette raison que quand on choisit de manger principalement ou uniquement des fruits et légumes de saison, on évite des transports et c’est donc moins de pollution pour la Terre ! Attention, à chaque saison, les fruits et légumes sont très variés et tu pourras quand même en manger plein de différents. Pour t’aider à te souvenir des saisons pendant lesquelles poussent les fruits et légumes près de chez toi, nous avons conçu un super calendrier rotatif à fabriquer et décorer par tes soins. C’est partiiiiiiiiiii 🤩
oRMq.