CharlesPeguy / Ă©crivain, 1873 - 1914 Biographie courte : Charles Pierre PĂ©guy, nĂ© le 7 janvier 1873 Ă OrlĂ©ans (Loiret) et mort pour la France le 5 septembre 1914 Ă Villeroy (Seine-et-Marne), est un Ă©crivain, poĂšte, essayiste et officier de rĂ©serve français. Il est Ă©galement connu sous les noms de plume de Pierre Deloire et Pierre BaudouinEn 1873, Ă OrlĂ©ans, la ville dĂ©livrĂ©e du joug anglais par Jeanne dâArc plus de quatre siĂšcles auparavant, naĂźt Charles PĂ©guy. Sa maison natale se trouvait Faubourg Bourgogne. Cette rue quelque peu sinueuse, câĂ©tait tout simplement le chemin de terre que Jeanne dâArc avait foulĂ© des sabots de son cheval quand, sortant par la Porte-Bourgogne, elle allait donner lâassaut Ă la bastille de Saint-Loup ». Jeanne dâArc â Emmanuel FrĂ©miet . Source DĂšs son enfance, la vie de Charles PĂ©guy est empreinte dâune grande dĂ©votion envers Jeanne. En 1892, pendant son service militaire, puis pendant ses Ă©tudes Ă lâEcole Normale, il commence Ă Ă©tudier sa vie. En 1895, il Ă©crit Ă un ami Je continue Ă travailler Ă lâhistoire de Jeanne dâArc, ou plutĂŽt de sa vie intĂ©rieure. ». Et Ă un autre ami Je me suis rendu compte aussi quâil Ă©tait dĂ©cidĂ©ment impossible, avec lâhistoire telle quâon est obligĂ© de la faire, de faire lâhistoire de cette vie intĂ©rieure. Il mâest venu alors une idĂ©e que jâai eu lâaudace dâaccueillir celle dâemprunter au drame, et au vers sâil y a lieu, toutes ses ressources. Je me suis assurĂ© que je ne serais peut-ĂȘtre pas trop mauvais ouvrier ». Lors de sa rentrĂ©e universitaire, en novembre 1895, il prĂ©texte une fatigue aux yeux et obtient de son directeur un congĂ© dâun an pendant lequel il entreprend dâĂ©crire la premiĂšre version du drame Jeanne dâArc, quâil achĂšvera en 1897. Il faudra attendre treize ans pour entendre de nouveau PĂ©guy nous parler de Jeanne dâArc. Mais alors, PĂ©guy sera revenu Ă la foi chrĂ©tienne et ce sera lâadmirable MystĂšre de la charitĂ© de Jeanne dâArc 1910. [1]Les citations de ce paragraphe sont tirĂ©es des notices de Marcel PĂ©guy dans Les Ćuvres poĂ©tiques complĂštes de Charles PĂ©guy. Un chef de bataille Ă genoux Jeannette a 13 ans. Ăme de priĂšre et solidaire de son peuple assiĂ©gĂ©, elle demande un signe Ă Dieu. O MaĂźtre, daignez pour une fois exaucer ma priĂšre, que je ne sois pas folle avec les rĂ©voltĂ©s. Pour une fois au moins, exaucez une priĂšre de moi Voici presque un an que je vous prie pour le mont vĂ©nĂ©rable de monsieur saint Michel, qui demeure au pĂ©ril de la mer ocĂ©ane. Exaucez ĂŽ mon Dieu, cette priĂšre-lĂ . En attendant un bon chef de guerre qui chasse lâAnglais hors de toute France, dĂ©livrez les bons chevaliers de monsieur saint Michel mon Dieu je vous en prie une derniĂšre fois. » Le mĂȘme jour, dans la soirĂ©e, son amie Hauviette vient annoncer Ă Jeanne que le Mont Saint Michel est sauvĂ©. Jeannette voit sa priĂšre exaucĂ©e Mon Dieu, vous nous avez cette fois exaucĂ©es ; Vous avez entendu ma priĂšre de folle ; Et ma vie Ă prĂ©sent ne sera plus faussĂ©e. O mon Dieu, vous mâavez cette fois exaucĂ©e. Vous avez cette fois entendu ma parole ; Vous avez sauvĂ© ceux pour qui jâavais priĂ©. Vous nous avez montrĂ© mieux que par la parole Ce quâil faut que lâon fasse aprĂšs quâon a priĂ© Car les bons dĂ©fenseurs de la montagne sainte, AprĂšs avoir priĂ© tous les matins lĂ -bas, Partaient pour la bataille oĂč sans trĂȘve, et sans plainte, Ils restaient tout le jour, capitaine et soldats. VoilĂ ce quâil nous faut câest un chef de bataille Qui fasse le matin sa priĂšre Ă genoux Comme eux, avant dâaller frapper la bataille Aux Anglais outrageux. Mon Dieu, donnez-le nous. O mon Dieu, donnez-nous enfin le chef de guerre, Vaillant comme un archange et qui sache prier, Pareil aux chevaliers qui sur le Mont naguĂšre Terrassaient les Anglais. Quâil soit chef de bataille et chef de la priĂšre. Mais quâil ne sauve pas seulement telle place En laissant aux Anglais le restant du pays Dieu de la France, envoyez-nous un chef qui chasse De toute France les Anglais bien assaillis. Pour une fois encore exaucez ma priĂšre Commencez le salut de ceux que nous aimons ; O mon Dieu ! Donnez-nous enfin le chef de guerre Pareil Ă celui-lĂ qui vainquit les dĂ©mons. » Jeanne dâArc, A Domremy, premiĂšre partie Je dĂ©cide que je vous obĂ©irai 1428, Jeanne a 16 ans. En rĂ©ponse Ă la demande pressante de ses voix, elle dĂ©cide de partir. Sa dĂ©cision dâobĂ©ir Ă Dieu prend sa source dans cette attitude de disponibilitĂ© et de confiance du disciple envers son MaĂźtre, de la servante envers son Seigneur. Mon Dieu, Pardonnez-moi dâavoir attendu si longtemps Avant de dĂ©cider ; mais puisque les Anglais Ont dĂ©cidĂ© dâaller Ă lâassaut dâOrlĂ©ans, Je sens quâil est grand temps que je dĂ©cide aussi ; Moi, Jeanne, je dĂ©cide que je vous obĂ©irai. Moi, Jeanne, qui suis votre servante, Ă vous, qui ĂȘtes mon maĂźtre, en ce moment-ci je dĂ©clare que je vous obĂ©irai. Vous mâavez commandĂ© dâaller dans la bataille jâirai. Vous mâavez commandĂ© de sauver la France pour monsieur le dauphin jây tĂącherai. Je vous promets que je vous obĂ©irai jusquâau bout Je le veux. Je sais ce que je dis. Quoi quâil mâarrive Ă prĂ©sent, je vous promets que je vais commencer et que je vous obĂ©irai jusquâau bout je lâai voulu. Je sais ce que jâai fait. » A prĂ©sent, ĂŽ mon Dieu, que je vais commencer, Si les Anglais ne veulent pas sâen aller bien, Donnez-moi la rudesse et la force quâil faut Pour entraĂźner les durs soldats et les lancer Comme un flot dĂ©bordant qui sâemporte Ă lâassaut. A prĂ©sent, ĂŽ mon Dieu, que je vais commencer, Si les Anglais ne veulent pas sâen aller bien, Donnez-moi la douceur et la force quâil faut Pour calmer les soldats et pour les apaiser Dans leur pleine victoire, ayant fini lâassaut. Mais si, dans la bataille oĂč je vais travailler, Cette ouvriĂšre est faible, ou maladroite, ou lĂąche, Si lâouvriĂšre est faible Ă mener les soldats ; Et si, dans la victoire oĂč je vais travailler, Cette ouvriĂšre est faible Ă sa deuxiĂšme tĂąche, Si lâouvriĂšre est faible Ă calmer les soldats ; Si je travaille mal en bataille ou victoire, Et si lâĆuvre est mal faite oĂč jâai voulu servir, O mon Dieu, pardonnez Ă la pauvre servante. » Pour Jeanne, sa mission est simple. Elle lâexplique Ă son oncle Ă qui elle demande de la conduire au messire de Baudricourt qui pourra lui fournir lâescorte dont elle a besoin pour aller trouver le roi Mon oncle, ça nâest pas difficile Ă comprendre Le royaume de France nâappartient Ă personne quâĂ Dieu ; mais Dieu ne veut pas le gouverner lui-mĂȘme il veut seulement le surveiller ; câest pour cela quâil en a donnĂ© le gouvernement Ă ses serviteurs les rois de France ; depuis que le bon roi Charles est mort, câest Ă son garçon, monsieur le dauphin, que revient la France pour la gouverner ; les Anglais veulent sâen emparer quand mĂȘme ; le bon Dieu ne veut pas les laisser faire ; et câest pour les en empĂȘcher quâil veut que jâaille Ă monsieur le dauphin. Câest bien simple. » Jeanne dâArc, A Domremy, deuxiĂšme partie Photo Source Jeanne Ă©mue de compassion, Il faut sauver son Ăąme! » Jeanne combat pour le salut de son pays. Plus encore, elle intercĂšde pour le salut des Ăąmes. RĂ©sonne alors lâaspiration profonde du cĆur de PĂ©guy Il faut se sauver ensemble. Il faut arriver ensemble chez le bon Dieu » Hauviette Ă Jeannette dans Le mystĂšre de la charitĂ© de Jeanne dâArc Devant un prisonnier anglais, mort Madame Jeanne le regardait mort. Elle avait de grosses larmes dans les yeux. Tout Ă coup elle a sursautĂ© â Mais il faut sauver son Ăąme ! il faut sauver son Ăąme ! » Il Ă©tait mort si vite quâon nâavait pas eu le temps dây penser. â Voyons ! vite ! quelquâun ! quâon lui donne lâabsolution ! » Il y avait justement lĂ un Franciscain, frĂšre Jean Vincent, qui revenait de se battre. Il avait mis une cuirasse par-dessus sa robe. Il sâest approchĂ© Madame Jeanne, moi, je veux bien, lui donner lâabsolution, seulement il est mort. » â Ăa ne fait rien ! ça ne fait rien ! allez ! allez toujours ! il faut sauver son Ăąme ! il faut sauver son Ăąme ! » FrĂšre Jean Vincent lui a donnĂ© lâabsolution, mais je ne sais pas si ça compte, lâabsolution donnĂ©e dans ces conditions-là ⊠» ⊠Dites bien Ă tous vos amis quâon nâaille jamais plus Ă la bataille avant de sâĂȘtre bien confessĂ©s. Dites-leur aussi quâon veille Ă donner Ă temps lâabsolution aux blessĂ©s. » PriĂšre de Jeanne Ă la bataille Puisquâil faut, ĂŽ mon Dieu, quâon fasse la bataille, Nous vous prions pour ceux qui seront morts demain Mon Dieu sauvez leur Ăąme et donnez-leur Ă tous, Donnez-leur le repos de la paix Ă©ternelle. » Jeanne dâArc, Les Batailles, premiĂšre partie Dans sa passion mĂȘme est rĂ©vĂ©lĂ©e sa compassion, son souci des Ăąmes. » Le 30 mai 1431, jour de son exĂ©cution, PĂ©guy met dans la bouche de Jeanne cette ultime priĂšre O mon Dieu, Puisquâil faut quâĂ prĂ©sent Rouen soit ma maison, Ă©coutez bien ma priĂšre Je vous prie de vouloir bien accepter cette priĂšre comme Ă©tant vraiment ma priĂšre de moi, parce que tout Ă lâheure je ne suis pas tout Ă fait sĂ»re de ce que je ferai quand je serai dans la rue,⊠et sur la place, et de ce que je dirai. Pardonnez-moi, pardonnez-nous Ă tous tout le mal que jâai fait, en vous servant. Mais je sais bien que jâai bien fait de vous servir. Nous avons bien fait de vous servir ainsi. Mes voix ne mâavaient pas trompĂ©e. Pourtant, mon Dieu, tĂąchez donc de nous sauver tous, mon Dieu. JĂ©sus, sauvez-nous tous Ă la vie Ă©ternelle. » Jeanne dâArc, Rouen, deuxiĂšme partie Voussavez ce que câest que la vie ou la mort, Et vous savez ainsi dans quel secret du sort Se coud et se dĂ©coud la ruse du traqueur. Et vous savez ainsi sur quel accent du chĆur Se noue et se dĂ©noue un accompagnement, Et ce quâil faut dâespace et de dĂ©boisement Pour laisser dĂ©bouler la meute du piqueur. Et vous savez ainsi dans quel recreux du port Se prĂ©pare et sâachĂšve un
Un des mes clients est dĂ©cĂ©dĂ© d'une grave maladie, je ne le connaissais pas beaucoup. Mais ce matin j'ai retrouvĂ© sur mon bureau dĂ©posĂ© par mon boss un mĂ©morial parlant et racontant cette personne. Sur ce mĂ©morial j'ai trouvĂ© un texte du poĂšte français Charles PĂ©guy, ce texte m'a rĂ©ellement Ă©mu. C'est pour celĂ que je le fais partager sur ce modeste blog. C'est dans ces moments lĂ qu'il faut se dire qu'on a de la chance de vivre et d'ĂȘtre encore lĂ . Bien souvent on se complique l'existence alors qu'il faudrait simplement accepter de la vivre avec simplicitĂ©. Certains s'expriment en disant "ce n'est pas la vie que j'aurais voulu avoir", mais c'est simplement celle que la vie a choisi pour toi. On envie toujours son prochain moi mĂȘme je suis de ceux lĂ , mais pourquoi ne pas s'envier nous mĂȘme. Nous avons tout pour ĂȘtre heureux sur cette belle bleue et pourtant..... ce n'est que le contraire. Texte de Charles PĂ©guy La mort n'est rien La mort n'est rien, Je suis seulement passĂ©e dans la piĂšce Ă cĂŽtĂ© Je suis moi vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns les autres, Nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donnĂ©. Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait. N'employez pas un ton diffĂ©rent, Ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez Ă rire de ce qui nous faisais rire ensemble. Priez, souriez, pensez Ă moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcĂ© comme il l'a toujours Ă©tĂ©, Sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre. La vie signifie ce qu'elle a toujours signifiĂ©e. Elle est ce qu'elle a toujours Ă©tĂ©. Le fil n'est pas coupĂ©. Pourquoi serais-je hors de votre pensĂ©e, Simplement parce que je suis hors de votre vue. Je vous attends. Je ne suis pas loin, je suis juste de l'autre cĂŽtĂ© du chemin. Vous voyez tout est bien. Charles PĂ©guy Posted on Thursday, 22 February 2007 at 937 AMEdited on Thursday, 22 February 2007 at 959 AM
BertrandConstant vous parle de son seul en scĂšne « PĂ©guy, le visionnaire » sur Radio Enghien IDFM 98, au micro dâHĂ©lĂšne KERKENI. La premiĂšre piĂšce biographique sur Charles PĂ©guy, actuellement Ă lâaffiche du Théùtre de la Contrescarpe 75005 PARIS. Seul en scĂšne Ă©ligible aux MOLIĂRES 2020.
Un poĂšme d'actualitĂ©.....Version longue car elle est relativement confidentielle. Ătoile de la mer voici la lourde nappeEt la profonde houle et lâocĂ©an des blĂ©sEt la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s,Voici votre regard sur cette immense chape Et voici votre voix sur cette lourde plaineEt nos amis absents et nos cĆurs dĂ©peuplĂ©s,Voici le long de nous nos poings dĂ©sassemblĂ©sEt notre lassitude et notre force pleine. Ătoile du matin, inaccessible reine,Voici que nous marchons vers votre illustre cour,Et voici le plateau de notre pauvre amour,Et voici lâocĂ©an de notre immense peine. Un sanglot rĂŽde et court par-delĂ lâ peine quelques toits font comme un vieux clocher retombe une sorte dâ Ă©glise semble une basse maison. Ainsi nous naviguons vers votre loin en loin surnage un chapelet de meules,Rondes comme des tours, opulentes et seulesComme un rang de chĂąteaux sur la barque amirale. Deux mille ans de labeur ont fait de cette terreUn rĂ©servoir sans fin pour les Ăąges ans de votre grĂące on fait de ces travauxUn reposoir sans fin pour lâĂąme solitaire. Vous nous voyez marcher sur cette route droite,Tout poudreux, tout crottĂ©s, la pluie entre les ce large Ă©ventail ouvert Ă tous les ventsLa route nationale est notre porte Ă©troite. Nous allons devant nous, les mains le long des poches,Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,Dâun pas toujours Ă©gal, sans hĂąte ni recours,Des champs les plus prĂ©sents vers les champs les plus proches. Vous nous voyez marcher, nous sommes la nâavançons jamais que dâun pas Ă la vingt siĂšcles de peuple et vingt siĂšcles de rois,Et toute leur sĂ©quelle et toute leur volaille Et leurs chapeaux Ă plume avec leur valetailleOnt appris ce que câest que dâĂȘtre familiers,Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers,Vers un dernier carrĂ© le soir dâune bataille. Nous sommes nĂ©s pour vous au bord de ce plateau,Dans le recourbement de notre blonde Loire,Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloireNâest lĂ que pour baiser votre auguste manteau. Nous sommes nĂ©s au bord de ce vaste plateau,Dans lâantique OrlĂ©ans sĂ©vĂšre et sĂ©rieuse,Et la Loire coulante et souvent limoneuseNâest lĂ que pour laver les pieds de ce coteau. Nous sommes nĂ©s au bord de votre plate BeauceEt nous avons connu dĂšs nos plus jeunes ansLe portail de la ferme et les durs paysansEt lâenclos dans le bourg et la bĂȘche et la fosse. Nous sommes nĂ©s au bord de votre Beauce plateEt nous avons connu dĂšs nos premiers regretsCe que peut receler de dĂ©sespoirs secretsUn soleil qui descend dans un ciel Ă©carlate Et qui se couche au ras dâun sol inĂ©vitableDur comme une justice, Ă©gal comme une barre,Juste comme une loi, fermĂ© comme une mare,Ouvert comme un beau socle et plan comme une table. Un homme de chez nous, de la glĂšbe fĂ©condeA fait jaillir ici dâun seul enlĂšvement,Et dâune seule source et dâun seul portement,Vers votre assomption la flĂšche unique au monde. Tour de David voici votre tour lâĂ©pi le plus dur qui soit jamais montĂ©Vers un ciel de clĂ©mence et de sĂ©rĂ©nitĂ©,Et le plus beau fleuron dedans votre couronne. Un homme de chez nous a fait ici jaillir,Depuis le ras du sol jusquâau pied de la croix,Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,La flĂšche irrĂ©prochable et qui ne peut faillir. Câest la gerbe et le blĂ© qui ne pĂ©rira point,Qui ne fanera point au soleil de septembre,Qui ne gĂšlera point aux rigueurs de dĂ©cembre,Câest votre serviteur et câest votre tĂ©moin. Câest la tige et le blĂ© qui ne pourrira pas,Qui ne flĂ©trira point aux ardeurs de lâĂ©tĂ©,Qui ne moisira point dans un hiver gĂątĂ©,Qui ne transira point dans le commun trĂ©pas. Câest la pierre sans tache et la pierre sans faute,La plus haute oraison quâon ait jamais portĂ©e,La plus droite raison quâon ait jamais jetĂ©e,Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute. Celle qui ne mourra le jour dâaucunes morts,Le gage et le portrait de nos arrachements,Lâimage et le tracĂ© de nos redressements,La laine et le fuseau des plus modestes sorts. Nous arrivons vers vous du lointain avons pour trois jours quittĂ© notre boutique,Et lâarchĂ©ologie avec la sĂ©mantique,Et la maigre Sorbonne et ses pauvres petits. Dâautres viendront vers vous du lointain avons pour trois jours laissĂ© notre nĂ©goce,Et la rumeur gĂ©ante et la ville colosse, Dâautres viendront vers vous du lointain CambrĂ©sis. Nous arrivons vers vous de Paris lĂ que nous avons notre gouvernement,Et notre temps perdu dans le lanternement,Et notre libertĂ© dĂ©cevante et totale. Nous arrivons vers vous de lâautre Notre-Dame,De celle qui sâĂ©lĂšve au cĆur de la citĂ©,Dans sa royale robe et dans sa majestĂ©,Dans sa magnificence et sa justesse dâĂąme. Comme vous commandez un ocĂ©an dâĂ©pis,LĂ -bas vous commandez un ocĂ©an de tĂȘtes,Et la moisson des deuils et la moisson des fĂȘtesSe couche chaque soir devant votre parvis. Nous arrivons vers vous du noble un commencement de Beauce Ă notre usage,Des fermes et des champs taillĂ©s Ă votre image,Mais coupĂ©s plus souvent par des rideaux de bois, Et coupĂ©s plus souvent par de creuses vallĂ©esPour lâYvette et la BiĂšvre et leurs accroissements,Et leurs savants dĂ©tours et leurs dĂ©gagements,Et par les beaux chĂąteaux et les longues allĂ©es. Dâautres viendront vers vous du noble Vermandois,Et des vallonnements de bouleaux et de viendront vers vous des palais et des du pays picard et du vert VendĂŽmois. Mais câest toujours la France, ou petite ou plus grande,Le pays des beaux blĂ©s et des encadrements,Le pays de la grappe et des ruissellements,Le pays de genĂȘts, de bruyĂšre, de lande. Nous arrivons vers vous du lointain PalaiseauEt des faubourgs dâOrsay par Gometz-le-ChĂątel,Autrement dit Saint-Clair ; ce nâest pas un castel ;Câest un village au bord dâune route en biseau. Nous avons dĂ©bouchĂ©, montant de ce coteau,Sur le ras de la plaine et sur Gometz-la-VilleAu-dessus de Saint-Clair ; ce nâest pas une ville ;Câest un village au bord dâune route en plateau. Nous avons descendu la cĂŽte de avons rencontrĂ© trois ou quatre nous ont regardĂ©, non sans quelques alarmes,Consulter les poteaux aux coins des carrefours. Nous avons pu coucher dans le calme un gros bourg trĂšs riche et qui sent sa nous avons longĂ©, regardĂ©s comme un prince,Les fossĂ©s du chĂąteau coupĂ©s comme un redan. Dans la maison amie, hĂŽtesse et fraternelleOn nous a fait coucher dans le lit du ans de souvenirs Ă©taient notre pain nous fut coupĂ© dâune main maternelle. Toute notre jeunesse Ă©tait lĂ prononça pour nous le siĂšcles dâhonneur et de fidĂ©litĂ©Faisaient des draps du lit une couche Ă©ternelle. Nous avons fait semblant dâĂȘtre un gai pĂšlerinEt mĂȘme un bon vivant et dâaimer les voyages,Et dâavoir parcouru cent trente-et-un bailliages,Et dâĂȘtre accoutumĂ©s dâĂȘtre sur le chemin. La clartĂ© de la lampe Ă©blouissait la nous fit visiter le jardin donnait sur la treille et sur un beau fut le premier gĂźte et la tĂȘte dâĂ©tape. Le jardin Ă©tait clos dans un coude de lâ la droite il donnait sur un mur bocagerSurmontĂ© de rameaux et dâun arceau face un marĂ©chal, et lâenclume, et la forge. Nous nous sommes levĂ©s ce matin devant lâ nous sommes quittĂ©s aprĂšs les beaux temps sâannonçait bien. On nous a dit tant nous a fait goĂ»ter de quelque bĆuf en daube, Puisquâil est entendu que le bon pĂšlerinEst celui qui boit ferme et tient sa place Ă table,Et quâil nâa pas besoin de faire le comptable,Et que câest bien assez de se lever matin. Le jour Ă©tait en route et le soleil montaitQuand nous avons passĂ© Sainte-Mesme et les avancions dĂ©jĂ comme deux bons la gauche et la droite Ă©tait ce qui comptait. Nous sommes remontĂ©s par le GuĂ© de est fait dĂ©sormais de nos atermoiements,Et de lâiniquitĂ© des dĂ©nivellements Voici la juste plaine et le secret effroi De nous trouver tout seuls et voici le charroiEt la roue et les bĆufs et le joug et la grange,Et la poussiĂšre Ă©gale et lâĂ©quitable fangeEt la dĂ©tresse Ă©gale et lâĂ©gal dĂ©sarroi. Nous voici parvenus sur la haute terrasseOĂč rien ne cache plus lâhomme de devant Dieu,OĂč nul dĂ©guisement ni du temps ni du lieuNe pourra nous sauver, Seigneur, de votre chasse. Voici la gerbe immense et lâimmense liasse,Et le grain sous la meule et nos Ă©crasements,Et la grĂȘle javelle et nos renoncements,Et lâimmense horizon que le regard embrasse. Et notre indignitĂ© cette immuable masse,Et notre basse peur en un pareil moment,Et la juste terreur et le secret tourmentDe nous trouver tout seuls par devant votre face. Mais voici que câest vous, reine de majestĂ©,Comment avons-nous pu nous laisser dĂ©cevoir,Et marcher devant vous sans vous serons donc toujours ce peuple inconcertĂ©. Ce pays est plus ras que la plus rase peine un creux du sol, Ă peine un lĂ©ger la table du juge et le fait accompli,Et lâarrĂȘt sans appel et lâordre inĂ©luctable. Et câest le prononcĂ© du texte insurmontable,Et la mesure comble et câest le sort empli,Et câest la vie Ă©tale et lâhomme enseveli,Et câest le hĂ©raut dâarme et le sceau redoutable. Mais vous apparaissez, reine pointe lĂ -bas dans le moutonnementDes moissons et des bois et dans le flottementDe lâextrĂȘme horizon ce nâest point une yeuse, Ni le profil connu dâun arbre dĂ©jĂ plus distante, et plus basse, et plus haute,Ferme comme un espoir sur la derniĂšre cĂŽte,Sur le dernier coteau la flĂšche inimitable. Dâici vers vous, ĂŽ reine, il nâest plus que la nous regarde, on en a bien fait dâ avez votre gloire et nous avons les lâavons entamĂ©e, on la mangera toute. Nous savons ce que câest quâun tronçon qui sâajouteAu tronçon dĂ©jĂ fait et ce quâun kilomĂštreDemande de jarret et ce quâil faut en mettre Nous passerons ce soir par le pont et la voĂ»te Et ce fossĂ© profond qui cerne le marchons dans le vent coupĂ©s par les ici la contrĂ©e imprenable en photos,La route nue et grave allant de part en part. Nous avons eu bon vent de partir dĂšs le coucherons ce soir Ă deux pas de chez vous,Dans cette vieille auberge oĂč pour quarante sousNous dormirons tout prĂšs de votre illustre tour. Nous serons si fourbus que nous regarderons,Assis sur une chaise auprĂšs de la fenĂȘtre,Dans un Ă©crasement du corps et de tout lâĂȘtre,Avec des yeux battus, presque avec des yeux ronds, Et les sourcils haussĂ©s jusque dedans nos fronts,Lâangle une fois trouvĂ© par un seul homme au monde,Et lâunique montĂ©e ascendante et profonde,Et nous serons recrus et nous contemplerons. Voici lâaxe et la ligne et la gĂ©ante la dure pente et le lâexactitude et le la sĂ©vĂšre larme, ĂŽ reine de douleur. Voici la nuditĂ©, le reste est le vĂȘtement, tout le reste est la puretĂ©, tout le reste est la pauvretĂ©, le reste est ornement. Voici la seule force et le reste est lâarĂȘte unique et le reste est la seule noblesse et le reste est la seule grandeur et le reste est bassesse. Voici la seule foi qui ne soit point le seul Ă©lan qui sache un peu le seul instant qui vaille de le seul propos qui sâachĂšve et qui dure. Voici le monument, tout le reste est voici notre amour et notre notre port de tĂȘte et notre le rien de dentelle et lâexacte moulure. Voici le beau serment, le reste est lâunique prix de nos arrachements,Le salaire payĂ© de nos la vĂ©ritĂ©, le reste est imposture. Voici le firmament, le reste est vers le tribunal voici lâ vers le paradis voici lâ la feuille de pierre et lâexacte nervure. Nous resterons clouĂ©s sur la chaise de nous nâentendrons pas et nous ne verrons pasLe tumulte des voix, le tumulte des pas,Et dans la salle en bas lâinnocente ripaille. Ni les rouliers venus pour le jour du la feinte colĂšre et lâĂ©clat des jurons Car nous contemplerons et nous mĂ©diteronsDâun seul embrassement la flĂšche sans pĂ©chĂ©. Nous ne sentirons pas ni nos faces raidies,Ni la faim ni la soif ni nos renoncements,Ni nos raides genoux ni nos raisonnements,Ni dans nos pantalons nos jambes engourdies. Perdus dans cette chambre et parmi tant dâhĂŽtels,Nous ne descendrons pas Ă lâheure du repas,Et nous nâentendrons pas et nous ne verrons pasLa ville prosternĂ©e au pied de vos autels. Et quand se lĂšvera le soleil de demain,Nous nous rĂ©veillerons dans une aube lustrale,Ă lâombre des deux bras de votre cathĂ©drale,Heureux et malheureux et perclus du chemin. Nous venons vous prier pour ce pauvre garçonQui mourut comme un sot au cours de cette annĂ©e,Presque dans la semaine et devers la journĂ©eOĂč votre fils naquit dans la paille et le son. Ă Vierge, il nâĂ©tait pas le pire du nâavait quâun dĂ©faut dans sa jeune la mort qui nous piste et nous suit Ă la traceA passĂ© par ce trou quâil sâest fait dans la peau. Il Ă©tait nĂ© vers nous dans notre commençait la route oĂč nous gagnait tous les jours tout ce que nous pourtant câĂ©tait lui que tu te destinais, Ă mort qui fus vaincue en un premier avait mis ses pas dans nos mĂȘmes le seul manquement dâune seule des craintesLaissa passer la mort par un chemin nouveau. Le voici maintenant dedans votre ĂȘtes reine et mĂšre et saurez le un ĂȘtre pur. Vous le ferez rentrerDans votre patronage et dans votre indulgence. Ă reine qui lisez dans le secret du cĆur,Vous savez ce que câest que la vie ou la mort,Et vous savez ainsi dans quel secret du sortSe coud et se dĂ©coud la ruse du traqueur. Et vous savez ainsi sur quel accent du chĆurSe noue et se dĂ©noue un accompagnement,Et ce quâil faut dâespace et de dĂ©boisementPour laisser dĂ©bouler la meute du piqueur. Et vous savez ainsi dans quel recreux du portSe prĂ©pare et sâachĂšve un noble enlĂšvement,Et par quel jeu dâadresse et de gouvernementSe dĂ©robe ou se fixe un illustre support. Et vous savez ainsi sur quel tranchant du glaiveSe joue et se dĂ©joue un Ă©pouvantement,Et par quel coup de pouce et quel balancementLâun des plateaux descend pour que lâautre sâĂ©lĂšve. Et ce que peut coĂ»ter la lĂšvre du moqueur,Et ce quâil faut de force et de recroisementPour faire par le coup dâun seul retournementDâun vaincu malheureux un malheureux vainqueur. MĂšre le voici donc, il Ă©tait notre race,Et vingt ans aprĂšs nous notre recevez-le dans votre la mort a passĂ©, passera bien la grĂące. Nous, nous retournerons par ce mĂȘme sera de nouveau la terre sans cachette,Le chĂąteau sans un coin et sans une oubliette,Et ce sol mieux gravĂ© quâun parfait parchemin. Et nunc et in hora, nous vous prions pour nousQui sommes plus grands sots que ce pauvre gamin,Et sans doute moins purs et moins dans votre main,Et moins acheminĂ©s vers vos sacrĂ©s genoux. Quand nous aurons jouĂ© nos derniers personnages,Quand nous aurons posĂ© la cape et le manteau,Quand nous aurons jetĂ© le masque et le couteau,Veuillez vous rappeler nos longs pĂšlerinages. Quand nous retournerons en cette froide terre,Ainsi quâil fut prescrit pour le premier Adam,Reine de Saint-ChĂ©ron, Saint-Arnould et Dourdan,Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire. Quand on nous aura mis dans une Ă©troite fosse,Quand on aura sur nous dit lâabsoute et la messe,Veuillez vous rappeler, reine de la promesse,Le long cheminement que nous faisons en Beauce. Quand nous aurons quittĂ© ce sac et cette corde,Quand nous aurons tremblĂ© nos derniers tremblements,Quand nous aurons raclĂ© nos derniers raclements,Veuillez vous rappelez votre misĂ©ricorde. Nous ne demandons rien, refuge du pĂ©cheur,Que la derniĂšre place en votre Purgatoire,Pour pleurer longuement notre tragique histoire,Et contempler de loin votre jeune PĂ©guyQuoi, vous ne connaissez pas cette actualitĂ©! Alors rendez-vous ici! Lamort, lâamour, la vie. Jâai cru pouvoir briser la profondeur de lâimmensitĂ©. Par mon chagrin tout nu sans contact sans Ă©cho. Je me suis Ă©tendu dans ma prison aux portes vierges. Comme un mort raisonnable qui a su mourir. Un mort non couronnĂ© sinon de son nĂ©ant. Je me suis Ă©tendu sur les vagues absurdes. Vu sur mai la mort n'est rien, je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă cĂŽtĂ©. je suis moi, vous ĂȘtes vous. ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, Vu sur mes anges ! voici un joli poĂšme que j'ai trouvĂ© en me baladant sur le net l'auteur l'a Ă©crit de son vivant, et je souhaitais vous le faire Vu sur charles pĂ©guy dĂ©couvrez citations de charles pĂ©guy parmi ses citations extraites de poĂšmes, de livres, ouvrages et sur et tele chargez gratuitement toute la poĂ©sie française du Ăšme sur mn. source poĂ©sies, charles pĂ©guy dit par pierre vaneck », enregistrement sonore reproduit avec l'aimable autorisation de l'Ă©diteur la Vu sur "la mort n'est rien" n'est pas de pĂ©guy ! la plupart des gens pensent que ce texte a Ă©tĂ© Ă©crit par charles pĂ©guy, ce qui n'est pas le cas. . chaque minute est un obstacle Ă franchir, ce poĂšme m'apaise mais nous ne Vu sur en prose, , charles pĂ©guy, Ă©d. gallimard, coll. bibliothĂšque de la plĂ©iade, , p. , note conjointe sur m. descartes et la philosophie Vu sur la piĂšce d'Ă cĂŽtĂ© ". je ne vous ai pas quittĂ©s. je suis seulement passĂ© dans la piĂšce d'Ă cĂŽtĂ©. je suis moi, vous ĂȘtes vous. ce que nous Ă©tions Vu sur des poĂ©mes, de charles pĂ©guy. poĂ©sie française retrouvez toutes les bibliographie, de charles sur filmĂ©. charles pĂ©guy le fil n'est pas coupĂ©. paula aldana lĂłpez. loading unsubscribe from paula Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalitĂ©s relatives aux mĂ©dias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons Ă©galement des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de mĂ©dias sociaux, de publicitĂ© et d'analyse, qui peuvent combiner celles-ci avec d'autres informations que vous leur avez fournies ou qu'ils ont collectĂ©es lors de votre utilisation de leurs services. Vous consentez Ă nos cookies si vous continuez Ă utiliser notre site vos cookiesLamort nest rien Auteur : Charles PĂ©guy La mort nest rien Je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă cĂŽtĂ©. Je suis moi. Tu es toi. Ce que nous Ă©tions lun pour lautre, nous le sommes toujours. Donne-moi le nom que tu ma toujours donnĂ©. Parle-moi comme tu las toujours fait. Nemploie pas de ton diffĂ©rent. Ne prends pas un air solennel ou
Le 5 septembre 1914, tombait au champ dâhonneur lâĂ©crivain Charles PĂ©guy, lieutenant au 276Ăšme rĂ©giment dâinfanterie, mortellement touchĂ© dâune balle en plein front prĂšs de Villeroy Seine-et-Marne. Une mort qui est le couronnement de toute une vie et donne un relief particulier Ă son Ćuvre, scellĂ©e, par le sang versĂ©, aux citĂ©s charnelles quâil sut si bien chanter Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, [âŠ] couchĂ©s dessus le sol Ă la face de Dieu [âŠ] Heureux les Ă©pis mĂ»rs et les blĂ©s moissonnĂ©s » 1. Une guerre qui faucha aussi deux semaines plus tard son fidĂšle ami qui lâavait accompagnĂ© sur les routes de Chartres, lâĂ©crivain Henri Alain-Fournier, auteur du Grand Meaulnes. Maurice BarrĂšs a admirablement bien rĂ©sumĂ© le sens de la mort de PĂ©guy ll est tombĂ© les armes Ă la main, face Ă lâennemi, le lieutenant de ligne Charles PĂ©guy. Le voilĂ entrĂ© parmi les hĂ©ros de la pensĂ©e française. Son sacrifice multiplie la valeur de son Ćuvre. Il cĂ©lĂ©brait la grandeur morale, lâabnĂ©gation, lâexaltation de lâĂąme. Il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de prouver en une minute la vĂ©ritĂ© de son Ćuvre » 2. Tout a Ă©tĂ© dit sur PĂ©guy dont la figure ne cesse dâintriguer hommes politiques et historiens des idĂ©es, qui sâĂ©vertuent sans succĂšs Ă le classifier arbitrairement selon les schĂ©mas de pensĂ©e de lâidĂ©ologie dominante. Celle-ci voudrait empĂȘcher quâun socialiste dreyfusard dâorigine modeste soit devenu sans renoncer Ă lui-mĂȘme, un poĂšte mystique, un chantre de lâenracinement patriotique et un pĂšlerin de lâespĂ©rance chrĂ©tienne. Or, Charles PĂ©guy fĂ»t tout cela Ă la fois, nâen dĂ©plaise Ă Bernard-Henri Levy, qui voulut en faire, dans une paranoĂŻa dĂ©lirante, le prĂ©curseur dâun fascisme Ă la Française 3. Inclassable PĂ©guy dont la pensĂ©e est constamment guidĂ©e par un mĂȘme fil conducteur, une quĂȘte inlassable et insatiable de vĂ©ritĂ©. En crĂ©ant Les Cahiers de la Quinzaine, en 1900, il assigne Ă sa nouvelle revue lâambition de dire la vĂ©ritĂ©, toute la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ©, dire bĂȘtement la vĂ©ritĂ© bĂȘte, ennuyeusement la vĂ©ritĂ© ennuyeuse, tristement la vĂ©ritĂ© triste ». Câest au nom de la fidĂ©litĂ© Ă cette mĂȘme vĂ©ritĂ© quâil se sĂ©parera de son ami JaurĂšs et critiquera le parlementarisme bon teint de la RĂ©publique radicale, dĂ©plorant le dĂ©voiement de lâidĂ©al de justice qui prĂ©valait encore au dĂ©but de lâaffaire Dreyfus La mystique rĂ©publicaine, câĂ©tait quand on mourait pour la RĂ©publique, la politique rĂ©publicaine, câest Ă prĂ©sent quâon en vit » 4. Paroles que tout homme politique devrait mĂ©diter aujourdâhui⊠NĂ© en 1873 dans une famille modeste sa mĂšre est rempailleuse de chaises et son pĂšre, menuisier, meurt dâun cancer quelques mois aprĂšs sa naissance, Charles garde de son enfance le goĂ»t dâune certaine ascĂšse ainsi que lâamour du travail bien fait portĂ© jusquâĂ sa perfection. Nous avons connu des ouvriers qui le matin ne pensaient quâĂ travailler. Ils se levaient le matin â et Ă quelle heure ! â et ils chantaient Ă lâidĂ©e quâils partaient travailler. [âŠ] Travailler Ă©tait leur joie mĂȘme, et la racine profonde de leur ĂȘtre. Il y avait un honneur incroyable du travail [âŠ] Nous avons connu cette piĂ©tĂ© de lâouvrage bien fait, poussĂ©e, maintenue, jusquâĂ ses plus extrĂȘmes exigences. Jâai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du mĂȘme esprit et du mĂȘme cĆur, et de la mĂȘme main, que ce mĂȘme peuple avait taillĂ© des cathĂ©drales » 5. Le travail revĂȘt mĂȘme une dimension spirituelle chez les ouvriers et artisans Tout Ă©tait une Ă©lĂ©vation intĂ©rieure, et une priĂšre, toute la journĂ©e [âŠ] Leur travail Ă©tait une priĂšre. Et lâatelier, un oratoire » 6. Vient ensuite la rĂ©vĂ©lation de lâĂ©cole avec lâinfluence dĂ©terminante dâun personnage auquel PĂ©guy rendra plus tard un Ă©mouvant hommage ThĂ©ophile Naudy. Directeur de lâĂ©cole normale dâinstituteurs dâOrlĂ©ans, cet inspecteur en retraite avait remarquĂ© les qualitĂ©s de lâĂ©lĂšve dĂšs le primaire et insistĂ© pour lui faire suivre un cursus classique collĂšge, lycĂ©e qui le propulsa jusquâĂ lâĂcole normale supĂ©rieure quâil intĂ©gra, aprĂšs deux Ă©checs, en 1894. Câest avec une Ă©motion teintĂ©e de nostalgie que PĂ©guy dĂ©crit lâidĂ©al de lâĂ©cole rĂ©publicaine qui lui permit dâaccĂ©der Ă la culture classique Nos jeunes maĂźtres Ă©taient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sĂ©vĂšres, sanglĂ©s. SĂ©rieux et un peu tremblants de leur prĂ©coce, de leur soudaine omnipotence ». Mais, dans les annĂ©es 1900, PĂ©guy sent ce monde basculer vers une mentalitĂ© bassement mercantile, insufflĂ©e selon lui par la bourgeoisie qui contamine lâesprit du peuple et le discours socialiste. Comme le souligne le professeur Antoine Compagnon, pour PĂ©guy, vers le tournant du siĂšcle, âfaire la classeâ a cessĂ© dâĂȘtre une mission pour devenir une obligation professionnelle. Les maĂźtres sâappellent dĂ©sormais des instituteurs, et sur le modĂšle des ouvriers, rĂ©clament le droit de se syndiquer. Au nom de lâĂ©galitĂ©, ils rechignent Ă participer aux Ćuvres dâĂ©ducation populaire qui sâajoutaient Ă leurs services aprĂšs lâĂ©cole et sans rĂ©munĂ©ration. Tout travail nâest plus une priĂšre mais mĂ©rite un salaire » 7. Câest la fin de la gratuitĂ© du don. Ă lâĂcole normale supĂ©rieure, PĂ©guy est lâĂ©lĂšve de Romain Rolland et dâHenri Bergson, il subit lâinfluence du bibliothĂ©caire socialiste Lucien Herr et devient fascinĂ© par la figure de Jean JaurĂšs. Câest lâĂ©poque du socialisme qui nâa jamais revĂȘtu chez lui un caractĂšre marxiste ni procĂ©dĂ© dâune lutte des classes 8, mais ressemble plutĂŽt Ă un vaste de mouvement de fraternitĂ© universelle, donnant Ă chacun la possibilitĂ© de dĂ©ployer toutes ses potentialitĂ©s sans un quelconque Ă©galitarisme niveleur, ce quâon appellerait aujourdâhui lâĂ©galitĂ© des chances. ImprĂ©gnĂ© dâune pensĂ©e philosĂ©mite, PĂ©guy se dit le commensal des Juifs », câest-Ă -dire celui qui mange Ă leur table. Entretenant une relation spirituelle avec le mystĂšre dâIsraĂ«l, câest tout naturellement quâil est amenĂ© Ă prendre, au nom de la justice, la dĂ©fense du capitaine Dreyfus. Pour autant, il se dĂ©tache trĂšs vite du milieu dreyfusard quâil accuse dâĂȘtre plus prĂ©occupĂ© de tirer les dividendes politiques de lâAffaire que de dĂ©fendre lâinnocence de lâinfortunĂ© condamnĂ© de lâĂźle du Diable. La rupture est complĂšte dans Notre jeunesse 1910 oĂč il sâen prend de maniĂšre virulente Ă Daniel HalĂ©vy, son ancien compagnon de combat, puis dans LâArgent 1913 oĂč il qualifie JaurĂšs de traĂźtre » Ă la cause du dreyfusisme et de misĂ©rable loque », en le prĂ©sentant comme lâhomme qui reprĂ©sente en France la politique impĂ©riale allemande » 9. Car sâil est un autre trait qui caractĂ©rise PĂ©guy, câest son patriotisme. Loin dâĂȘtre une abstraction ou une idĂ©ologie, il procĂšde avant tout de lâĂ©troite imbrication des intĂ©rĂȘts spirituels et de leur enracinement dans la vie dâune nation Car le spirituel est lui-mĂȘme charnel. Et lâarbre de la grĂące est racinĂ© profond. Et plonge dans le sol et cherche jusquâau fond » 10. PĂ©guy nâest pas nationaliste car pour lui, la nation ne constitue pas lâhorizon indĂ©passable de lâhomme La patrie nâachĂšve pas lâhomme elle le forme et le protĂšge des destins qui la dĂ©passent » rĂ©sume Daniel HalĂ©vy en Ă©voquant la pensĂ©e de celui dont il fut le principal collaborateur 11 Et PĂ©guy lui-mĂȘme de prĂ©ciser le sens de son patriotisme Je ne veux pas que lâautre soit le mĂȘme, je veux que lâautre soit autre. Câest Ă Babel quâĂ©tait la confusion, dit Dieu, cette fois que lâhomme voulut faire le malin » 12, dĂ©nonçant ainsi la nĂ©gation des identitĂ©s au prĂ©texte dâun universalisme mal compris. Câest dâailleurs dans la figure de Jeanne dâArc que culmine son amour de la patrie. Amour quâil dĂ©cline depuis 1908 sous un autre mode Jâai retrouvĂ© ma foi. Je suis catholique », confie-t-il Ă ce moment-lĂ Ă son ami Joseph Lotte. Il ne sâagit pas pour lui dâune conversion mais dâun aboutissement de sa quĂȘte de vĂ©ritĂ©. Sa foi, dĂšs lors, Ă©clate dans une magnifique trilogie oĂč il mĂ©dite les grands mystĂšres chrĂ©tiens et particuliĂšrement les vertus thĂ©ologales Le mystĂšre de la charitĂ© de Jeanne dâArc 1910, Le Porche du MystĂšre de la deuxiĂšme vertu 1911, et Le mystĂšre des Saints Innocents 1912. Foi qui le conduira devant des difficultĂ©s familiales maladie dâun fils, tentation de lâadultĂšre Ă effectuer, Ă deux reprises, un pĂšlerinage de Paris Ă Chartres, oĂč parcourant 144 km en trois jours, il prie au rythme des alexandrins quâil compose Ătoile de la mer voici la lourde nappe / Et la profonde houle et lâocĂ©an des blĂ©s / Et la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s / Voici votre regard sur cette immense chape » 13. Au final, la pensĂ©e de PĂ©guy, indissociable du personnage tellement il a voulu la vivre profondĂ©ment, demeure une boussole pour notre temps â PĂ©guy sâattache aux continuitĂ©s de notre histoire il est celui qui voit dans la mĂ©ritocratie rĂ©publicaine la poursuite de lâĆuvre monarchique, lĂ oĂč beaucoup dâidĂ©ologues sâefforcent dây dresser une antinomie, â PĂ©guy veut rĂ©concilier patrons et ouvriers autour de lâamour du travail bien fait et le sens de la gratuitĂ©, qui fait si cruellement dĂ©faut aujourdâhui, oĂč lâesprit de chicane et de revendication atteint son paroxysme, â PĂ©guy conçoit la patrie comme lâenracinement des valeurs spirituelles dans une terre charnelle et lui accorde un amour de prĂ©fĂ©rence sans pour autant lui confĂ©rer le statut dâidole qui embrasse toutes les dimensions de la personne, â PĂ©guy devine le sens mystĂ©rieux et lâabĂźme insondable de la condition humaine, et dĂ©nonce avec virulence toute prĂ©tention de lâhumanisme moderne Ă vouloir lâinfĂ©oder au pouvoir corrupteur de lâargent et au matĂ©rialisme destructeur, ce qui est le cas quand lâĂ©conomie dicte sa loi au monde politique, â PĂ©guy reste enfin un modĂšle de tĂ©nacitĂ©, de libertĂ© et de courage pour avoir inlassablement recherchĂ© la vĂ©ritĂ©, parfois au prix douloureux de ses amitiĂ©s, et incarnĂ© ses convictions jusquâau sacrifice suprĂȘme. > Charles Beigbeder est entrepreneur, prĂ©sident de la holding Gravitation et Ă©lu du VIIIe arrondissement de Paris, > BenoĂźt Dumoulin est un jeune professionnel engagĂ© dans la vie politique et associative. Notes 3. LâidĂ©ologie française, 1981. 4. Notre Jeunesse, 1910. 5. LâArgent, 1913. 6. LâArgent, op. cit. 7. PrĂ©sentation de LâArgent par Antoine Compagnon, Ă©dition des Equateurs, 2008. 8. Pour PĂ©guy, la lutte de classe ne revĂȘt aucun sens qui soit socialiste mais procĂšde dâune compĂ©tition, dâune rivalitĂ© et dâune concurrence, qui la rattache aux valeurs de la bourgeoisie. 9. JaurĂšs prĂŽnait alors un rapprochement avec lâAllemagne en 1911-1912, pour contrer lâalliance franco-russe et prĂ©venir un conflit dans les Balkans. 10. Ăve, 1913. 11. Daniel HalĂ©vy, Charles PĂ©guy et les Cahiers de la Quinzaine, Payot, 1918. 12. Le mystĂšre de lâenfant prodigue, in Ćuvres poĂ©tiques complĂštes. 13. PrĂ©sentation de la Beauce Ă Notre-Dame de Chartres, in La tapisserie de Notre-Dame, 1913.grxLeX.